Malgré ce qu'on pourrait croire ou appréhender, la formule des Contes urbains ne s'essouffle pas.

Vingt ans déjà que ces soirées de contes ont lieu chaque année sur les thèmes de la ville et du temps des Fêtes. Des veillées hivernales que l'on reçoit d'année en année avec le même bonheur: celui de se faire raconter une histoire.

Heureusement, les pères des Contes urbains, Yvan Bienvenue et Stéphane Jacques, ont su s'adapter au fil des ans, notamment en donnant la parole à différents auteurs. L'an dernier, ils ont confié l'écriture à six auteurs issus de la génération Y, ce qui a produit l'un des meilleurs crus.

Cette année, ils ont eu la fantaisie de confier l'interprétation des huit contes à des femmes. Ironiquement, cinq de ces textes ont été écrits par des hommes. On ne peut donc pas parler de «paroles de femmes» au sens strict, même si tous les personnages sont féminins...

Peu importe ces questions de genre. Comme chaque année, il y a des contes qui sortent du lot. C'est le cas du texte écrit par l'auteur Stéphane Lafleur, interprété par Brigitte Poupart, qui signe également, avec beaucoup finesse, la mise en conte de la soirée.

Dans Snob, la jeune femme imaginée par Stéphane Lafleur se demande à partir de quel moment le «bon goût» devient synonyme de «snobisme», elle qui a le sentiment de contribuer au «rehaussement des standards» de son quartier.

Dans ce suspense brillamment construit, il est notamment question d'une agression et du sentiment de peur qui l'habite et la ronge. Brigitte Poupart trouve le ton juste pour incarner cette femme qui veut comprendre ce qu'on lui reproche précisément.

Ce thème de la peur se retrouve d'ailleurs au coeur des contes de Christine Germain (Prédateur) et de Marcel Pomerlo (Obélisque), que ce soit la peur résultant d'une agression (ou d'une possible agression), d'une maladie ou, plus simplement, de la solitude.

Voilà l'une des constantes de ces Contes urbains, qui abordent, consciemment ou non, les tumultueux rapports homme-femme.

Diane Lavallée défend avec talent le personnage de Sophie dans le conte de Stéphane Jacques, où elle nous fait le récit d'un fâcheux incident impliquant ses voisins du Plateau. «Y en a qui deviennent bouddhistes, moi, je suis devenue Lavalloise...», nous dit-elle.

Autre moment fort (et étrange): la performance de l'auteure et blogueuse Michelle Blanc. La transsexuelle montréalaise y va d'une ode à la diversité, revenant sur les circonstances qui l'ont amenée à changer de sexe. Malgré certaines maladresses - elle n'est évidemment pas comédienne - son récit est poignant. Justement parce qu'il dépasse la fiction.

La comédienne France Arbour, qui sert de liant entre chacun des huit contes, met un point final à ce très bon cru avec l'interprétation hilarante d'une vieille femme qui, de sa résidence pour personnes âgées, fait appel à un prostitué (Tino) pour qu'il lui rappelle (et lui procure) les plaisirs de la chair.

Ce conte d'Yvan Bienvenue nous rappelle que ce sont toutes ces textures et ces couleurs diverses qui font le bonheur de ces soirées.

Jusqu'au 20 décembre à La Licorne.