Après avoir déferlé aux États-Unis, la vague d’émissions de chirurgie plastique traverse finalement la frontière. Mais c’est avec un visage transformé qu’elle frappe le Québec.

D’Extreme Makeover à Botched en passant par Skin Decision – Before and After, Dr. 90210 et Bridalplasty, les téléréalités de transformation physique monopolisent les ondes des chaînes spécialisées depuis des années au pays de l’Oncle Sam.

Le genre a mis du temps à envahir la Belle Province. Les diffuseurs semblent toutefois déterminés à rattraper le temps perdu, puisqu’au cours des derniers mois, trois d’entre eux ont muni leur grille de productions originales qui examinent la question.

« La curiosité des téléspectateurs québécois n’avait pas encore été assouvie », observe Anne Fortin, productrice au contenu d’Injections et bistouris, une série documentaire diffusée actuellement sur Canal Vie.

La chirurgie plastique a toujours fasciné les gens. On juge, on s’interroge, on veut savoir.

Anne Fortin, productrice au contenu d’Injections et bistouris

Réalisée par Mathieu Arsenault et Mathieu Vachon, la deuxième saison d’Injections et bistouris confirme qu’en soins médico-esthétiques, rien n’est impossible. Ou presque. La semaine dernière, la série produite par Trinome & filles (Présumé innocent) a détaillé la réduction du front d’une jeune femme de 25 ans.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La journaliste et réalisatrice Karina Marceau

Pour Karina Marceau, qui pilote et réalise Reconstruire le corps sur AMI-télé, la nature « foncièrement télévisuelle » du sujet explique en partie son attrait. « On vit dans une culture de l’image, précise la journaliste et réalisatrice. L’image est omniprésente. Et d’année en année, ça s’accentue. »

PHOTO FOURNIE PAR AMI-TÉLÉ

Scène de Reconstruire le corps

Ayant exigé deux années et demie de travail, cette série d’immersion s’intéresse aux interventions plastiques fonctionnelles, soit celles qu’on pratique en raison d’un accident, d’une maladie ou d’un état congénital. Depuis janvier, on peut y suivre le parcours d’une demi-douzaine de patients, dont Marc, un chauffeur de camion de Saint-Hyacinthe, qui obtient une prothèse faciale après avoir souffert d’un cancer fulgurant des sinus.

L’information prime

Les productions québécoises qui traitent de chirurgie plastique diffèrent des émissions américaines articulées autour du même thème, observe-t-on. Dans Botched, par exemple, on talonne deux riches docteurs californiens qui réparent des parties du corps ravagées suivant des interventions ratées. On exhibe des poitrines déformées, des nez difformes ou encore des lèvres gonflées jusqu’au point d’éclater.

« Ces émissions montrent les bas-fonds scabreux, indique le chirurgien plasticien Benoit LeBlanc, qu’on peut voir dans Injections et bistouris. Elles veulent frapper l’imaginaire. Elles veulent choquer. Les émissions au Québec ont l’air d’avoir un côté un peu plus informatif qu’entertainment. C’est sûr qu’il doit y avoir une composante divertissante, sinon personne n’écouterait. Mais celles qui viennent des États-Unis sont sensationnalistes. Elles veulent trop faire du fracas. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Le DBenoit LeBlanc

Même son de cloche chez Luc Rousseau de Zone 3, producteur de Chirurgie plastique : reconstruire la vie, une série originale qui ausculte des patients victimes de cancer ou d’accidents souhaitant retrouver une existence normale. « Notre série n’a rien à voir avec les shows d’opérations ratées. On n’a jamais montré comment on peut garder l’éternelle jeunesse. Ceux qui nous regardent, c’est parce qu’ils s’intéressent aux avancées en médecine, au côté humain. »

J’aime penser qu’au Québec, les téléspectateurs sont exigeants. J’aime croire qu’ils veulent apprendre, et pas seulement satisfaire leurs besoins de voyeurisme.

Luc Rousseau, producteur de Chirurgie plastique : reconstruire la vie

PHOTO FOURNIE PAR MOI ET CIE

Scène de Chirurgie plastique : reconstruire la vie

Briser des tabous

L’abondance d’émissions de chirurgie plastique pourrait briser plusieurs tabous et idées préconçues par rapport aux personnes qui subissent ce type d’interventions. C’est du moins ce qu’a vécu la productrice au contenu Annie Fortin lorsqu’elle s’est mise à plancher sur Injections et bistouris.

« Avant, j’étais à l’autre bout du spectre, pleine de préjugés. Je pensais qu’on allait juste attirer des danseuses comme participantes. Dans ma tête, la chirurgie plastique, c’était souvent grossier : des gros seins, des grosses fesses… Mais quand j’ai commencé à rencontrer des patients, ma vision a changé du tout au tout. Les raisons pour envisager la chirurgie plastique sont nombreuses. Des fois, les gens pleurent de joie après l’opération parce qu’on leur enlève un complexe terrible qu’ils ont depuis des années. »

C’est un sujet extrêmement humain et zéro superficiel. Je pensais que c’était le contraire.

Annie Fortin, productrice au contenu d’Injections et bistouris

D’après Karina Marceau, qui a elle-même subi trois interventions de chirurgie plastique après avoir souffert de troubles de la glande thyroïde, on doit saluer la valeur « éducative » des productions québécoises. Elles aident à combattre les clichés, insiste-t-elle. « Les néophytes pensent qu’un chirurgien plasticien, ça refait juste des seins. C’est faux. Ils peuvent reconstruire toutes sortes de parties du corps. »

Le DBenoit LeBlanc a d’ailleurs accepté d’apparaître dans Injections et bistouris pour déconstruire les stéréotypes. « Je l’ai vu comme une chance de démystifier la chirurgie, de montrer l’aspect un peu moins glamour, de montrer autre chose qu’une série de patientes avec des mégaprothèses.

« Il y a une quinzaine d’années, les gens pensaient que c’était juste des gens très riches qui essayaient la chirurgie plastique, ajoute-t-il. Mais c’est faux. Moins qu’avant, en tout cas. Aujourd’hui, les gens qui accèdent aux services esthétiques, c’est monsieur et madame Tout-le-Monde. »

AMI-télé présente Reconstruire le corps les mardis, à 20 h. Les épisodes sont offerts en rattrapage à amitele.ca et seront rediffusés plus tard en 2023 sur ICI Explora. Canal Vie diffuse Injections et bistouris les lundis, à 19 h 30. Moi et Cie a commandé une nouvelle saison de Chirurgie plastique : reconstruire la vie.