Traduire en mots l’émotion des mouvements. Telle est la tâche qu’accomplit l’audiodescriptrice Caroline Charbonneau afin de permettre à des personnes non voyantes d’assister à des spectacles de danse. Dimanche, pour la première fois, elle décrira une représentation destinée à un public jeunesse, soit Glitch, de la compagnie Bouge de là. Cinq questions sur l’expérience que vivront les spectateurs.

Depuis trois ans, l’organisme Danse-Cité propose des représentations de spectacles de danse avec de l’audiodescription en direct. Pourquoi ?

« Vivre un spectacle vivant, ce n’est pas la même chose que vivre un spectacle devant une télé ou un ordinateur. On propose ces représentations dans l’idée de donner l’accessibilité aux arts à tout le monde, de façon égale », explique Caroline Charbonneau, qui fait partie de la petite équipe d’audiodescripteurs de Danse-Cité.

Comment traduit-on en mots ce qui se passe sur scène ?

Tout d’abord, l’audiodescripteur doit « s’imprégner de l’œuvre », indique Caroline Charbonneau, titulaire d’une maîtrise en danse. Pour ce faire, ils rencontrent et questionnent le chorégraphe en plus d’assister à des répétitions.

« La différence avec l’audiodescription au cinéma, c’est qu’on ne peut pas se contenter de décrire les éléments visibles, comme les décors ou les entrées et sorties des personnages », souligne-t-elle, en précisant que dans les films, les dialogues aident à suivre le fil narratif.

PHOTO FOURNIE PAR CAROLINE CHARBONNEAU

L’audiodescriptrice Caroline Charbonneau

« En danse, tout est mouvement, alors on n’a pas le choix d’être un peu moins objectif, moins factuel. On se rapproche de la poésie, d’une certaine façon. On va amener une certaine couche d’interprétation, mais […] on doit laisser assez de liberté aux personnes qui vont nous entendre pour qu’elles se créent leur propre image mentale du spectacle. »

Comment se déroule une représentation pour les personnes non voyantes ou semi-voyantes ?

Lors d’une telle représentation, l’expérience théâtrale commence par une visite tactile des lieux avant le spectacle.

« On va, entre autres, marcher le périmètre de la scène pour qu’ils puissent avoir une perception de la grandeur de celle-ci. S’il y a des décors, des accessoires et des costumes – et qu’on y a accès –, on va les toucher pour sentir les textures, les dimensions. Tout ça afin de donner plus de matériel pour qu’ils puissent se créer des images mentales pendant le spectacle », explique Caroline Charbonneau.

L’audiodescripteur présente ensuite les grandes lignes du spectacle, mais aussi des gestes qu’exécuteront les danseurs. « On va essayer de leur faire vivre dans leur corps certains mouvements qui peuvent être plus complexes à décrire verbalement », ajoute-t-elle. Pour cette étape, les accompagnateurs des personnes non voyantes sont mis à contribution pour les faire bouger comme les danseurs le feront plus tard.

Finalement, lorsque c’est possible, une rencontre est prévue après la représentation entre les interprètes, l’audiodescripteur et le public non voyant.

Pendant la représentation, comment se fait l’audiodescription ?

Chaque personne non voyante porte des écouteurs. Grâce à une application sur son téléphone, elle peut entendre la description en direct effectuée par l’audiodescripteur. Celui-ci ne se trouve toutefois pas dans la salle pour ne pas déranger les danseurs et les autres spectateurs. Installé dans un espace en retrait, par exemple une loge, il décrit ce qui se déroule sur scène en regardant la retransmission vidéo en direct de la pièce.

Après environ un mois de préparation, l’audiodescripteur a écrit un texte qui comprend tous les éléments du spectacle. Toutefois, il ne peut pas se contenter de le réciter, puisque chaque représentation est unique. « Il y a toujours des nuances dans l’interprétation », fait valoir Caroline Charbonneau.

Dimanche, la Maison des arts de Laval accueillera des enfants non voyants pour la représentation de Glitch. Se prépare-t-on différemment lorsqu’un spectacle est destiné à un public jeunesse ?

« En audiodescription, on ne va pas utiliser un vocabulaire technique de danse parce que ce n’est pas tout le monde qui le connaît […] Mais là, on s’est posé encore plus de questions, parce que dans le vocabulaire qu’on utilise habituellement, il y a peut-être des mots ou des expressions que les jeunes ne vont pas comprendre », se remémore Caroline Charbonneau.

Pour trouver des réponses à ses questionnements, elle a notamment consulté une adolescente non voyante de 14 ans.

« Si l’on veut garder l’attention des jeunes pendant 50 minutes, il faut trouver une façon de parler qui va les interpeller et qui va les garder sur le bout de leur siège », fait valoir l’audiodescriptrice.

L’audiodescription en direct du spectacle Glitch est présentée dimanche, à la Maison des arts de Laval. D’autres dates pourraient s’ajouter, selon la demande. Le spectacle sans audiodescription est actuellement en tournée au Québec.

Glitch, en quelques mots

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Glitch

Destiné aux enfants de 6 à 12 ans, Glitch, c’est l’histoire de quatre jeunes qui s’introduisent dans le sous-sol d’un théâtre abandonné.

Dans ce lieu interdit, ils découvrent des boîtes qui renferment des costumes, mais surtout une lumière, le glitch, qui se transforme de façon surprenante au fil du spectacle.

Ce laser aux multiples formes transporte les quatre intrépides – et le public – dans des univers imaginaires intrigants.