Le « gars d’la shop » et son cher « boss » prendront vie dans un spectacle multidisciplinaire à grand déploiement autour de l’univers d’Yvon Deschamps. Le légendaire humoriste, qui a collaboré à l’écriture du spectacle, ne montera pas sur scène, mais il sera présent en vidéo pour en assurer la narration.

Accueilli par une foule de photographes et cameramen comme une rock star, Yvon Deschamps est arrivé près de 45 minutes en retard mercredi à la conférence de presse de ce projet conçu par le réalisateur Jean-François Blais. « Vaut mieux tard que jamais », a dit ce dernier en l’accueillant. « Au sujet de l’arrivée d’Yvon. Mais aussi, il est temps de faire une œuvre avec ce qu’il nous a légué. »

Cette œuvre s’intitulera Yvon Deschamps raconte La Shop, et sera inspirée de ses plus célèbres et marquants monologues, ceux datant de 1969 jusqu’à 1973, qui vont des Unions qu’ossa donne ? jusqu’à La mort du boss.

« J’ai accepté parce qu’on m’avait dit que je n’aurais rien à faire ! », a lancé Yvon Deschamps, comme d’habitude pince-sans-rire.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Petit moment d’intimité entre Judy Richard Yvon Deschamps avant le début de la conférence.

C’est fabuleux de voir que mes affaires écrites il y a 50 ans intéressent encore du monde.

Yvon Deschamps

De fil en aiguille, Yvon Deschamps s’est un peu transformé en script-éditeur du spectacle écrit par Jean-François Blais et Isabelle Viviers, qui ont écrit une histoire à partir de ces textes et des personnages qui l’habitent. « C’est le meilleur pour faire du Deschamps. » Yvon Deschamps rigole. « C’est vrai, je l’ai ! »

Mais il n’a pas eu besoin de « replonger » dans son œuvre pour aborder sur ce spectacle, dit-il plus sérieusement. « C’est présent dans mon âme et mon cœur. Je ne reviens pas à ça. Je suis le gars d’la shop. »

Fan de l’humoriste depuis l’âge de 7 ans, Jean-François Blais a chéri cette collaboration. « Le rôle de monsieur Yvon, on l’a trouvé ensemble. Il m’a challengé pour aller là où il voulait aller. »

Une œuvre précieuse

Jean-François Blais a pleuré lorsqu’il a reçu les premiers textes révisés par son idole. « J’ai cassé », dit-il. Il a aussi été fort ému lorsqu’ils ont enregistré les parties d’Yvon Deschamps, et qu’à la fin d’une journée de tournage, il a commencé à chanter une de ses chansons, a capella…

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Jean-François Blais et Yvon Deschamps

Ça m’a conforté. Plus ça va, plus je vois qu’on a un bon show. Son œuvre est précieuse, et on va en prendre soin.

Jean-François Blais, réalisateur

L’écran sera intégré au décor et Yvon Deschamps y apparaîtra comme un « conteur bienveillant ». « Il va regarder la scène, la gang, il va les interpeller. C’est vraiment lui qui va raconter ce qui se passe, comme si on était dans sa tête. »

Rétrofuturiste… des Temps modernes

Ce spectacle sera le premier de la série Raconte, idée qui a germée dans la tête du réalisateur connu pour son travail sur En direct de l’univers et les grands spectacles télévisés de la Saint-Jean. Dans une période de remise en question, il y a quelques années, il a eu envie de travailler sur la pérennité de la culture québécoise, et de l’aborder par le biais du conte.

« On va faire un spectacle par année, avec une personne différente chaque fois, ce qui donnera des spectacles très différents à partir du même canevas. » Il a déjà « trois ans d’avance » – lire qu’il travaille déjà sur les prochains –, mais il était logique pour lui de commencer avec Yvon Deschamps. « C’est le plus important. »

Le spectacle suivra donc le « gars d’la shop » dans son univers, celui d’une usine où les travailleurs sont des numéros déshumanisés. L’ambiance sera inspirée des Temps modernes de Chaplin – l’idole absolue d’Yvon Deschamps –, avec une esthétique en noir et blanc, un pianiste qui fera de la « musique à l’écran ». « Ce sera 1942 transposé en 2042, l’ambiance sera rétrofuturiste. »

Sur scène, quatre vrais comédiens pour interpréter les textes de Deschamps, une dizaine de danseurs, deux circassiens, des marionnettes géantes, ains que quatre musiciens puisqu’il y aura aussi de la musique.

« Il y aura des chansons tirées de l’œuvre d’Yvon, mais aussi du répertoire de la chanson québécoise et qui ont rapport avec le thème », explique Jean-François Blais. Par exemple Mon pays de Charlebois, La maudite machine d’Octobre ou Homme de rien de Vincent Vallières, le tout arrangé par Antoine Gratton pour en unifier la sonorité.

Jean-François Blais s’est associé avec le producteur Nicolas Lemieux de GSI pour lancer cette série. « Le patrimoine musical est important pour nous », dit ce dernier, qui a été autant derrière le projet Riopelle symphonique que le nouvel album de Ginette Reno.

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Yvon Deschamps

Structuré

Le travail de lecture et de répétition commencera dès le mois de janvier, et les premières représentations auront lieu en septembre 2024, à Montréal et à Québec dans de grandes salles, mais aussi en région. « On parle de culture, d’identité, il faut que ce spectacle aille partout », dit Jean-François Blais.

Plusieurs projets inspirés de son œuvre ont été présentés à Yvon Deschamps depuis cinq ans. Il dit en général oui, mais plusieurs « meurent en chemin », raconte-t-il.

« Celui-là, c’est le plus récent qui m’a été proposé, et il va voir le jour avant bien d’autres. Jean-François est arrivé et il était structuré, et pas un peu ! Il savait où ça partait et finissait, comment et pourquoi. C’est un beau projet, artistiquement intéressant. »

Est-ce que ces textes écrits il y a plusieurs décennies peuvent avoir encore une résonnance en 2023 ? « Aucune idée ! Mais en principe, l’amour, la maladie, la mort, l’injustice, ça existe encore. »

Yvon Deschamps est en tout cas bien content que sa partie de travail soit terminée. « Moi c’est fini ! » Il rit encore de son grand rire émouvant. « Et je serai à la première… si je me rends ! »

Consultez le site web du spectacle