(Paris) Depuis une semaine, un Québécois tient la vedette dans une des plus grosses productions de la saison culturelle parisienne. Mais si Tommy Tremblay, de Beauport, incarne Molière dans la Ville Lumière, c’est un peu grâce au hasard, et beaucoup grâce à sa persévérance.

Mardi, dans l’immense salle du Dôme de Paris situé près de la Porte de Versailles, les 24 membres de la troupe de Molière, le spectacle musical se réchauffent en vue de la représentation du soir. Tommy Tremblay, PETiTOM de son nom de scène, répète quelques bouts de chorégraphie, puis vient nous rejoindre. À trois heures du début du spectacle, le chanteur-danseur-comédien-acrobate n’est pas particulièrement nerveux.

« On a travaillé huit mois sur le spectacle. J’ai passé tout ce temps à construire le personnage de Molière, j’en étais obsédé. Mais là, on peut s’amuser. Sur la scène, c’est là que je m’éclate. »

PHOTO RENAUD LABELLE, COLLABORATION SPÉCIALE

Réchauffement de la troupe

Pour l’artiste de 29 ans, c’est comme un rêve qui se concrétise. Il y a deux ans, épaulé par son gérant Arnaud Schaumann qui a lui-même quitté un emploi permanent pour s’occuper de lui à temps plein, il a fait le pari de multiplier les allers-retours en France pour y tenter sa chance.

« Le Québec reste ma maison, mais j’avais envie de grandir, de faire la musique ici. J’ai toujours aimé Stromae, Orelsan, les parcours de Céline Dion et de Garou me fascinent. On peut créer des ponts. »

Il a passé deux années à se familiariser avec Paris – « J’ai découvert que j’avais un bon kiff pour la France ! » –, à cogner à beaucoup de portes, à rencontrer beaucoup de gens. « Le nom de PETiTOM s’est mis à circuler. Puis on m’a demandé de venir faire une audition pour ce spectacle. Je tournais au Canada, j’avais quatre jours de congé, j’ai dit ‟OK on va prendre l’avion, go”. »

L’audition se passe bien et PETiTOM est choisi pour incarner un second rôle dans ce projet d’opéra urbain autour de la vie de Molière, créé par le magnat de la comédie musicale en France, Dove Attia (Les Dix Commandements).

Le rôle de Molière était déjà attribué. Mais quand le comédien qui devait l’incarner s’est désisté, j’ai dit à Ladislas Chollat, le metteur en scène : ‟Teste Tommy”.

Dove Attia, producteur, auteur du livret et de plusieurs chansons de Molière, le spectacle musical

Ladislas Chollat était d’accord. « Il avait toutes les qualités pour une comédie musicale. » Surtout, il avait l’énergie du personnage, le côté « extravagant ado fou » de Molière jeune qu’ils recherchaient, capable de chanter et danser en même temps ou de faire des saltos arrière à volonté. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est si PETiTOM avait l’intériorité nécessaire pour le deuxième acte, lorsque Jean-Baptiste Poquelin arrive à maturité.

« Je ne lui ai pas dit pourquoi, et je lui ai fait jouer la mort de Cyrano », raconte Ladislas Chollat. « Et là, il était touchant, même en visioconférence, se souvient Dove Attia. Quand je l’ai vu, j’ai dit : je crois qu’on a notre Molière. » Ils n’ont pas regretté leur choix. « Il s’est vraiment collé au personnage, souligne Ladislas Chollat. Il est allé à fond dans ce que je lui ai demandé. »

C’est ainsi que PETiTOM a fait son chemin, « petit à petit, victoire par victoire ». « J’adore mon petit à petit. J’ai auditionné pour plein de premiers rôles, je ne les ai jamais eus. Là, je devais jouer un autre rôle… et on me donne le premier ! » Avec les responsabilités qui viennent avec, mais il se sent prêt. Et il le porte avec confiance et fierté. « Parce que je sais que j’ai travaillé pour y arriver. »

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PETiTOM

Bonnes habitudes de travail

Si vous êtes amateurs de concours artistiques télévisés, vous connaissez probablement PETiTOM. En 2011, alors qu’il avait 16 ans et s’appelait encore Tommy Tremblay, il faisait partie des populaires participants de Mixmania 2. Puis on l’a vu en tant que PETiTOM à Danser pour gagner, Révolution et La Voix, et même au Zénith de Véronique Cloutier l’an dernier.

Au-delà de la visibilité, PETiTOM estime que les concours lui ont surtout apporté le professionnalisme qui fait qu’il est capable d’assumer aujourd’hui un rôle principal, avec tout ce que ça implique comme sacrifices et régime de vie strict – il figure dans plus de 80 % des scènes de ce long spectacle en deux parties.

« En France, personne ne me connaît. On s’en fout de Révolution. C’est ‟ah, tu as le talent, ah tu as l’éthique de travail !” C’est ça qui m’a emmené ici. »

Depuis que PETiTOM a su qu’il avait le rôle, il a tout lu sur Molière pour s’en imprégner. C’est d’ailleurs son implication qui a impressionné David Alexis, un acteur-chanteur habitué des comédies musicales. Il incarne son père dans la pièce, et il l’adore.

« C’est un mélange de talent, de gentillesse et de modestie. On ne peut que l’aimer. Mais au-delà du talent, il travaille beaucoup, ce qui est le meilleur cocktail. C’est une grosse responsabilité, ce rôle, car Molière, c’est un peu l’identité à la française. Et il le fait très bien. »

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PETiTOM et David Alexis, qui incarne le père de Molière, en répétition

En fait, qu’un Québécois ait été choisi pour incarner une figure mythique de la culture française n’a gêné personne. PETiTOM a gommé son accent québécois et franchement, le public n’y voit que du feu – « Ils sont surpris quand je vais leur parler après le spectacle ! », s’amuse-t-il. « Mais on me dit surtout que mon interprétation honore Molière. »

« Je ne me suis même pas posé la question, parce qu’il était la bonne personne, Québécois ou pas », dit le metteur en scène Ladislas Chollat. Dove Attia, lui, aime bien dire en entrevue que son Molière est Canadien. « Et puis sa langue maternelle, c’est la langue de Molière ! »

Dove Attia prédit au multitalentueux PETiTOM – « C’est très rare d’avoir tous ces talents » – une grande carrière, s’il sait saisir sa chance. PETiTOM travaille d’ailleurs depuis longtemps sur un album. « On prépare quelque chose de lourd ! », dit-il en souriant. Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud, quoi. « Oui, on a un momentum. »

Le plan

Pour l’instant PETiTOM profite de cette aventure qui lui permet d’utiliser tous ses talents. « C’est le projet que j’ai attendu toute ma vie, sans le savoir. » Abordé en plus avec un angle urbain très pop et proche du hip-hop qui lui plaît particulièrement.

C’est très rappé, très chanté, très slamé. Tout ce que j’aime !

PETiTOM

La pression sur ses épaules est grande – « Il n’a pas le droit d’être malade ! », lance Dove Attia en riant. C’est déjà fait, il a passé la première semaine avec une mauvaise grippe. On ne lui souhaite pas de gastro ! « Je le ferais quand même. Michael Jordan a déjà joué en état d’intoxication alimentaire. C’est une mentalité ! Mais je ne me le souhaite pas. »

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Maquillé et micro installé, prêt à monter sur scène

Il continue de développer son amour du jeu et de s’investir émotionnellement dans le spectacle qui sera présenté jusqu’en février à Paris, puis qui partira en tournée en France et ailleurs en Europe. « Je suis à fond dans Molière. Je ne veux pas me dire à la fin ‟Ah, je n’ai pas tout donné”. » Mais il a beau être dans l’instant présent, parfois après le spectacle, avant de s’endormir, il regarde sa vie et n’en revient pas.

« Il y a quelques années, j’étais dans ma chambre en train d’écrire des chansons, dans mon petit trois et demie à Montréal, à me dire que peut-être ça allait arriver. Mais je l’avais dessinée et écrite, cette vie-là, j’avais un plan, comme on fait le plan d’une maison. J’ai fait tous les efforts pour que ça se passe, et ça se passe. Et je continue à écrire la suite. »

Les frais de déplacement et une partie des frais d’hébergement de ce reportage ont été payés par la production, qui n’a eu aucun droit de regard sur le contenu de cet article.