À travers la foule de comédies musicales présentées cette saison à Paris, Molière, le spectacle musical se démarque puisque c’est la seule création originale parmi les franchises que sont Le Roi Lion, Grease, Mamma Mia ou même Starmania. C’est aussi certainement la plus « moderne » avec son mélange de chansons vers d’oreille et de rythmes hip-hop.

La pièce raconte la vie tumultueuse de l’auteur de Tartuffe, de la création de l’Illustre théâtre, en 1643, jusqu’à sa mort en 1673, à l’issue d’une représentation du Malade imaginaire. La ferveur créatrice de Jean-Baptiste Poquelin en est la ligne directrice, tout comme son désir de reconnaissance certainement lié à sa relation conflictuelle avec son père, qui l’aurait voulu tapissier du roi comme lui.

La grande particularité de cette pièce qui se déroule au XVIIe siècle est le parti pris pour les rythmes d’aujourd’hui. Les moments qui seraient normalement parlés sont plutôt slamés, le rap et ses mouvements sont à la base de nombreux numéros. Les fabuleux costumes – il y en a plus de 250 ! – de Jean-Daniel Vuillermoz sont également un magnifique mélange entre les évocations des codes de l’époque et ceux d’aujourd’hui : exit les perruques et le maquillage poudré, bonjour les robes de princesse et les baskets, les manches bouffantes sur camisole noire.

PHOTO RENAUD LABELLE, COLLABORATION SPÉCIALE

La pièce comporte plein de joyeux anachronismes qui font sourire.

On retrouve ce genre de joyeux anachronismes dans la trame, des journalistes télé et des manifs, des niveaux de langage qui se chevauchent entre le verlan et la prose de Molière. Séparée en deux actes, la pièce a aussi un rythme très actuel et rapide, véritable feu roulant du début à la fin. Le premier acte, plus trépidant, suit la jeunesse folle de Molière en quête de gloire. Le deuxième s’attarde davantage à ses déboires avec l’Église et le pouvoir, à ses amours, à ses victoires, à ses regrets.

Même si le spectacle est de grande envergure, que la scène est immense et que l’écran DEL qui sert de fond l’est tout autant, il y a une réelle retenue dans l’habillage et la scénographie. On n’est pas ici dans le décor tape-à-l’œil, mais dans un certain dépouillement, avec une grande passerelle où circulent les chanteurs et les danseurs, des accessoires qui n’encombrent pas la scène, mais qui sont transportés au gré des besoins.

  • Pas de décor tape-à-l’œil malgré l’ampleur de la production. Plutôt un certain dépouillement.

    PHOTO RENAUD LABELLE, COLLABORATION SPÉCIALE

    Pas de décor tape-à-l’œil malgré l’ampleur de la production. Plutôt un certain dépouillement.

  • Les costumes sont parfois sobres, parfois spectaculaires.

    PHOTO RENAUD LABELLE, COLLABORATION SPÉCIALE

    Les costumes sont parfois sobres, parfois spectaculaires.

  • Les chorégraphies sont relevées.

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    Les chorégraphies sont relevées.

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Si PETiTOM brille de mille feux en Molière acrobate, le reste de la troupe est à la hauteur dans chaque solo ou duo. Les numéros de groupes et les chorégraphies de Romain R. B. sont également réglés au quart de tour et insufflent une énergie contagieuse d’un bout à l’autre.

L’effet Hamilton

Le producteur Dove Attia, qui a aussi écrit le livret et plusieurs chansons, ne s’en cache pas : c’est le Hamilton de Luis Manuel Miranda, qui a tout révolutionné aux États-Unis, qui lui a donné envie de revenir à la comédie musicale et qui l’a directement inspiré.

« Il y a ma touche, celle du Roi Soleil, des Dix Commandements, mais il y a aussi cette influence de Hamilton, et de Come From Away, qui ont emmené quelque chose de nouveau. J’ai intégré les deux. »

Et ça fonctionne, en particulier auprès des jeunes. « Le samedi et le dimanche, la salle hurle ! C’est un nouveau langage, qui permet de montrer la modernité de Molière, et que sa quête est universelle. »

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La mise en scène reste toujours élégante.

Tout cela ne devrait pas rebuter les amateurs de comédie musicale « classique », avec tout le soin manifeste qui entoure l’ensemble et l’apport des airs vers d’oreille, gracieuseté de Dove Attia. Il sourit. « Je ne suis pas un grand musicien, mais j’ai un sens de la mélodie. J’adore qu’on fredonne mes chansons en sortant du spectacle, qu’on en rêve le soir ! »

Risqué

Dans un contexte d’inflation, une production d’une telle ampleur est tout de même un risque. « On est fous, on a pris un risque énorme. On ne pensait pas que ça marcherait ! Mais depuis la première, tout a changé, on est numéro 1 de toutes les ventes grâce au bouche à oreille. »

Les premières critiques sont aussi assez positives – la première médiatique a eu lieu jeudi –, ce qui augure bien pour la suite. Plus de 70 représentations sont prévues à Paris jusqu’en février 2024 ; le spectacle fera ensuite la tournée des Zénith en France, puis ira en Suisse et en Belgique.

« Le Japon, la Chine, la Corée sont intéressés. On aimerait bien aller au Canada, si le Canada veut bien de nous », dit le producteur, qui se souvient dans un demi-sourire que ses Dix Commandements, même avec Mario Pelchat en vedette, avaient été mal accueillis ici. « J’invite tous les producteurs à venir voir ce spectacle exceptionnel ! »

PETiTOM, c’est certain, rêve de venir jouer chez lui. « À la place d’emmener des traductions de spectacles de Broadway, ce serait bien, une création écrite directement en français ! Je serais honoré de le faire au Québec. Je croise les doigts. »

Les frais de déplacement et une partie des frais d’hébergement de ce reportage ont été payés par la production, qui n’a eu aucun droit de regard sur le contenu de cet article.