Héritier de Stromae, Yelle ou Lady Gaga, cousin cosmique d’Hubert Lenoir, fier représentant d’une pop romantique et flamboyante, sacré révélation masculine 2023 aux Victoires de la musique : l’auteur-compositeur-interprète de 21 ans Pierre de Maere est sur le chemin du succès qu’il a toujours su qu’il emprunterait. Discussion avec l’artiste belge, avant ses prestations aux Francos les 13 et 14 juin.

Quelle a été votre première rencontre avec la musique ?

Je suis quelqu’un qui a toujours été attiré par la musique. J’avais un iPod Touch avec GarageBand et dès l’âge de 12 ans, je faisais de la prod et de la compo. J’écrivais dans une langue qui n’existait pas, plutôt que d’écrire en français. J’avais cette idée reçue que le français, c’était ringard en chanson. Et j’avais plus d’intérêt pour ce qui venait d’Amérique, musicalement. Le temps a passé, je me suis mis à chanter en anglais. Et finalement, vers mes 18 ans, il y a eu un déclic et je suis passé au français. J’avais posté une chanson [en ligne] et un commentaire, méchant mais très utile finalement, disait que mon accent était atroce. Et je me suis dit qu’au lieu de chanter dans une autre langue, j’allais essayer la mienne. Je me suis rendu compte que je pouvais raconter des choses beaucoup plus fidèles et proches de ce que je suis.

Extrait d’Un jour je marierai un ange, de Pierre de Maere

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Vous avez étudié aux Beaux-Arts en photo avant de vraiment vous lancer en musique. Est-ce que les deux disciplines cohabitent dans votre projet ?

J’ai commencé à m’intéresser à la photo vers mes 14 ans. Je prenais ma sœur et ses copines en photo, puis mes copines à moi. Je prenais en charge la direction artistique, le stylisme, le make-up… Et je me suis mis à faire de la musique un peu par hasard, parce que j’étais amoureux, que je voulais impressionner quelqu’un et qu’il est plus impressionnant d’écrire une belle chanson que de prendre des mannequins en photo. Puis, le bagage que j’avais par rapport au visuel, à l’image, je m’en suis servi. Je me suis dit que mon projet serait comme celui d’un Stromae ou des Rita Mitsouko. Un projet qui engloberait à la fois la musique, bien sûr, mais aussi l’image, la mode. Ce sont toutes des passions qui sont miennes.

PHOTO MARCIN-KEMPSKI, FOURNIE PAR L’ARTISTE

Pierre de Maere

Au moment de ces premiers essais en musique, est-ce qu’il y a des artistes ou des œuvres qui vous ont guidé, vous ont influencé et vous ont inspiré ?

Le film Bohemian Rapsody m’a fait rêver et m’a donné l’ambition de faire quelque chose [comme Freddy Mercury]. Ma véritable icône, celle qui a un rôle aussi important que ma propre mère dans mon éducation, c’est Lady Gaga. Elle a cette audace, elle ne s’excuse pas de vivre en tant qu’artiste. On voit beaucoup d’artistes francophones s’excuser d’exister et tout le temps en train de remercier le monde entier. Lady Gaga a le courage de s’affirmer. Elle s’est réapproprié son corps en devenant presque monstrueuse, mais volontairement. Ça m’a fasciné. Un David Bowie, c’est la même chose. Il me fascine presque plus pour son image que sa musique. En France, il y a Yelle, que je trouve extraordinaire.

Est-ce que la direction artistique quant à votre son était limpide dans votre esprit quand vous vous êtes lancé pour faire carrière ?

Pas tellement. Parce que c’était tout nouveau pour moi, d’écrire en français. Et ça faisait longtemps que je n’avais pas fait de musique, vu que je m’étais arrêté pour faire de la photo pendant quatre ans. Mon directeur artistique, Théo, a été celui qui a défini mon son. Je roule mes « r », je vais chercher des aigus à la Polnareff, ma production est un peu hybride. Moi, j’étais très insouciant de tout ça. D’ailleurs, l’album va dans tous les sens, c’est un album d’exploration, je ne me suis rien interdit du tout. Je ne voulais pas me limiter à une thématique ou à un grain précis en matière de son.

Vous parlez beaucoup d’amour dans vos textes et vous en parlez comme de quelque chose qui fait très mal ou le plus grand bien, mais jamais entre les deux.

Oui, j’ai une vision tout à fait idéalisée de l’amour, en laquelle je ne suis même pas certain de croire. Mais je ne crois pas qu’un jour je voudrais d’un amour tiède. Il doit être brûlant ou glacial. Une relation où on se dit « ouais, ça va », mais sans plus, autant y mettre fin. C’est comme ça que j’ai toujours vécu mes relations, même si je n’en ai pas eu beaucoup. Je pense que ça vient des romans que j’ai lus, des films que j’ai vus. On nous vend tout ça. Sur la pièce Roméo, par exemple, c’est glacial, c’est un triste constat. Alors que Jour -3, c’est la ballade un peu cucul, qui parle de l’amour qui va bien, du moment où on espère se marier alors qu’on n’a eu qu’une seule date.

Vous êtes donc un grand romantique dans l’âme ?

J’aime bien rêver. Il y a des artistes réalistes et d’autres romantiques. Comme en peinture, ça se retrouve dans la musique. Le réalisme, moi, ça ne me touche pas tant que ça. J’aime bien l’idée de l’art comme une vision alternative de la réalité ou une possibilité d’échappatoire. Ma vie, je la vis déjà, je n’ai pas envie qu’on me la raconte. Même si des artistes dépeignent la réalité avec beaucoup de justesse et c’est extraordinaire. Moi, j’aime les textes plus libres, abstraits, qui prêtent aux rêves et à l’imagination.

Extrait d’Enfant de, de Pierre de Maere

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Et pourquoi le titre Regarde-moi pour coiffer ce premier disque ?

On pourrait s’imaginer quelque chose de très égocentré : regarde-moi comme je suis beau. Mais c’est plutôt l’inverse : regarde-moi et trouve la beauté qui est en moi. C’est un cri du cœur, un appel à l’aide de l’artiste qui débute, qui foule les planches pour la première fois, que personne ne regarde et qui cherche à tout prix un regard bienveillant. Sur [la pièce-titre], je dis : « Ce soir, je fais des bêtises / J’m’arrache à coup de tise / La foule adore ma triste comédie ». C’est cet artiste qui est prêt à tout pour être vu. Je trouve ça touchant.

Pierre de Maere, sur scène, ça donne quoi ?

C’est un peu un défilé de mode, un peu un stand-up, et entre les blagues et les tenues, il y a des chansons ! J’aime l’approche un peu absurde et grotesque, j’aime me garder une liberté folle sur scène. Me dire que je fais ce que je veux, c’est mon moment à moi, que les gens adhèrent ou non – et généralement, ils finissent par adhérer. Dans les clips, on me voit apprêté joliment, les cheveux bien bouclés, la peau lisse et retouchée. Mais sur scène, on me voit en animal. J’avais d’ailleurs été voir Hubert Lenoir [en spectacle à Paris] et il m’a presque rendu punk. Sur scène, j’ai beaucoup d’énergie, ce n’est pas du tout lisse. Je ne suis pas Céline Dion, je ne chante pas divinement bien, par contre, je donne toute l’énergie du monde.

Vous serez aux Francos dans quelques jours. Comment approchez-vous cette présence sur le sol québécois ?

Je ne suis jamais sorti d’Europe. […] J’ai l’impression que la culture est plus ouverte. Les Français sont très scolaires. Il faut comprendre le texte pour pouvoir le kiffer, ils ont besoin de s’identifier. Vous, vous avez un Hubert Lenoir, complètement fou, génial de charisme, moitié Versailles, moitié Kanye West. Moi, j’ai envie de ça. J’ai envie de rencontrer le public québécois, je suis curieux de voir comment ce sera.

Pierre de Maere sera en prestation aux Francos le 13 juin en première partie de Thierry Larose, au Club Soda (payant), puis le 14 juin, en solo (gratuit), sur la scène extérieure Loto-Québec.

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