Première véritable création sous chapiteau depuis Volta, en 2017, Echo, lancé officiellement jeudi soir, est une réponse au silence (forcé) des dernières années. Un spectacle ambitieux, moderne et rassembleur, qui mise sur la force du groupe.

Les attentes étaient quand même élevées. Le Cirque travaille en effet sur cette pièce acrobatique depuis près de quatre ans. S’il fallait qu’il rate sa cible…

D’abord étrangement baptisé Sous un même ciel, l’argument résumé par la directrice de création Chantal Tremblay en 2020 est néanmoins demeuré le même : « L’aventure d’un spectacle sous chapiteau. Un spectacle où l’on est tous réunis sous un même toit, dans une même tente, connectés entre nous. »

Le metteur en scène d’origine somalienne Mukhtar Omar Sharif Mukhtar – qui a pris le relais de la chorégraphe anglaise Es Devlin en cours de route – avait renchéri lors d’une rencontre avec les médias : « C’est une pièce centrée sur cette idée de connexion, d’unité et de collaboration. »

Voilà ce qu’il faut retenir de l’« esprit » de cette nouvelle production du Cirque du Soleil.

Pour le reste de la trame narrative expliquée à votre humble serviteur au cours des derniers mois, notre déconnexion du monde animal, notre survie menacée, notre reconnexion avec la nature, etc., disons qu’on est plus dans le dialogue intérieur. Vous vous raconterez votre propre histoire, personne ne vous jugera.

Tout part du cube

Echo s’ouvre donc de fort jolie manière avec l’apparition d’un immense cube, qui sera l’élément scénographique principal de la pièce (conçu par Es Devlin).

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Le numéro d’acrodanse sur le cube en mouvement ouvre le spectacle Echo.

Les quatre faces du cube en mouvement servent de surfaces de projection tandis que des acrobates (portant des habits de papier blanc et des têtes d’animaux) exécutent dessus un numéro d’acrodanse – suspendus par des harnais.

Un numéro qui donne le ton. Le Cirque ne fera pas dans la demi-mesure, message reçu.

Notons qu’environ vingt minutes après le début du spectacle, un problème technique a entraîné une interruption de cinq minutes.

Un peu plus tard, c’est un autre groupe d’acrobates qui volera la vedette – des artistes éthiopiens.

D’abord avec un numéro de jeux icariens époustouflant – une discipline très peu pratiquée ici (et très difficile !) où un porteur couché sur le dos projette un voltigeur dans les airs avec ses pieds. Ce numéro a d’ailleurs eu droit à une ovation bien méritée. Puis, avec un numéro à onze de banquine, de cadre humain et autres acrobaties sol-air. Avec des costumes aux couleurs pastel qui respirent le bonheur !

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Le groupe d’artistes éthiopiens traduit parfaitement le thème de l’unité et de la collaboration exploré dans Echo.

L’entrain, l’énergie et le sourire de ces artistes sont sans doute ce qui nous rapproche le plus de l’esprit collaboratif d’Echo, rythmé au son de la musique électroacoustique de Jade Pybus et Andy Theakstone, qui chantent aussi en chœur.

D’ailleurs, les numéros à deux ou en groupe dominent largement ce spectacle de près de 2 heures 30 (avec entracte), et l’on se réjouit de cette cohérence.

Le numéro de mâts volants à sept (wow !) est du même calibre, tout comme le numéro de fil mou à deux à l’intérieur du cube en feu (magnifique !) ou du numéro de suspension capillaire (ouch !).

Pendant toute la durée du spectacle, le cube se fissurera, s’ouvrira, se videra, se remplira, se refermera… Un peu comme le monde dans lequel on vit.

Des numéros individuels qui détonnent

Ce thème du collectif n’a pas empêché le Cirque de présenter quelques numéros individuels comme un numéro de sangles élastiques (sympa), où l’artiste brésilien Lucas Coelho était d’abord entouré du reste de la troupe (une idée simple, mais efficace). Malheureusement, il s’est retrouvé seul après quelques minutes…

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Le duo sur fil mou met en vedette l’Ukrainien Taras Hoi et le Guyanais Antino Pansa.

Même scénario pendant le numéro de trapèze Washington (un trapèze motorisé sur lequel l’artiste française Louana Seclet exécute des figures d’équilibre sur la tête). Lorsque la troupe entoure la trapéziste, il y a une énergie formidable qui se dégage de la scène vers la salle.

Il y a 48 artistes dans cette production, pourquoi ne pas s’en servir comme durant le reste de la pièce ?

Par ailleurs, le numéro de contorsion (pas nécessaire) nous apparaît comme un errement. Tout comme le numéro de diabolo, même s’il est bien exécuté. Ces numéros sont, à notre humble avis, des dérives d’Echo. On va s’en remettre.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Le duo comique est formé du Français Clément Malin et de l’Italien Caio Sorana.

Un mot sur le duo comique de la soirée : Double Trouble. La paire franco-italienne s’amuse essentiellement à empiler des boîtes de carton. Ils sont plutôt marrants, et surtout, leur présence est bien dosée.

Le numéro final à (trois !) bascules – même s’il est exécuté par neuf artistes – est impressionnant, on est bien sûr dans la prouesse, mais la prouesse désincarnée, qui peine à s’arrimer au narratif d’Echo. Ce numéro aurait pu être présenté dans n’importe quel spectacle du Cirque, ce qui n’est jamais un bon constat.

Heureusement qu’il reste ces petits gestes symboliques qui renforcent le thème de l’unité et de la connexion, comme celui du personnage principal, qui escalade un géant à la fin de la première partie (nous n’en dirons pas plus pour ne pas gâcher la surprise), et qui placera à la toute fin un petit cube dans le grand, faisant apparaître mille images de cette nature mise à rude épreuve.

Une belle façon de mettre fin à ce spectacle sous chapiteau foisonnant, qui est certainement l’un des plus ambitieux des dernières années.

Echo

Echo

Cirque du Soleil

Présenté dans le Grand Chapiteau au quai Jacques-Cartier du Vieux-Port de Montréal , Jusqu’au 20 août

8/10

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