Une maison au bout d’une route déserte. Un orage. Une famille dysfonctionnelle rassemblée pour les funérailles de la matriarche. Tous les éléments sont en place pour une nuit forte en émotions.

Et quelle nuit ç’a été ! De passage à la TOHU, la troupe française Cirque Le Roux offre avec La nuit du cerf un spectacle jouissif au possible, qui rend hommage au cinéma français et américain des années 1950 à 1970.

Les six acrobates, dont plusieurs ont été formés à l’École nationale de cirque de Montréal, multiplient ici les références au septième art (du film musical Sweet Charity de Bob Fosse jusqu’à Citizen Kane) dans une ambiance survoltée – et un décor suranné très élaboré – que ne renierait pas Wes Anderson. Rarement a-t-on vu un spectacle de cirque aussi bien emballé, aussi théâtral, sans pour autant verser dans des excès scénographiques inutilement tape-à-l’œil.

Le spectacle s’ouvre d’ailleurs de façon très cinématographique, avec une projection sur un drap blanc et un générique en bonne et due forme. Chaque artiste campe un personnage archétypal – vedette hollywoodienne à l’ego surdimensionné, policier gaffeur, frère incompris au comportement pour le moins étrange – dans ce scénario loufoque où, oui, il y aura mort d’homme à la fin de la nuit !

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le jeu théâtral et l’écriture dramaturgique sont au cœur de la démarche de la troupe française.

Avec le Cirque Le Roux, on rit franchement de l’humour burlesque qui se déploie sur scène, comme on s’émerveille devant les prouesses acrobatiques de ces circassiens de grand talent. Ici, les agrès sont réduits au minimum. Pas de trampoline, de mât chinois, de roue Cyr. Cette joyeuse bande a plutôt opté pour la voltige, le main à main ou les numéros d’équilibre d’une ingénieuse créativité.

Les corps en mouvement ou parfaitement immobiles dans une pose qui défie la gravité sont au cœur de la proposition.

Et lorsqu’un numéro aérien vient clore le spectacle, ce n’est que pour ajouter encore plus de grâce à l’ensemble.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le spectacle se déroule au milieu d’un décor très théâtral.

Il fallait voir les deux femmes de la troupe balancer à l’unisson entre ciel et terre, suspendues au bout des bras des porteurs. Leurs corps graciles virevoltaient pour atterrir d’un geste sûr entre les bras de ceux qui les attendaient au sol. Le numéro d’équilibre était aussi particulièrement réussi, deux acrobates s’exécutant pendant que la chanson Because des Beatles retentissait. Sans conteste un des numéros les plus appréciés du public le soir de la première.

La musique d'Alexandra Stréliski

La musique occupe de fait une place de choix dans ce spectacle. La Québécoise Alexandra Stréliski signe d’ailleurs quelques pièces originales de la trame sonore, qui compte aussi des chansons interprétées par Nancy Sinatra ou Brigitte Bardot.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Les acrobates de la troupe font preuve d’une grande maîtrise – et de beaucoup de créativité – dans leur numéro de main à main.

Le cirque où les dialogues se mêlent aux numéros acrobatiques reste toujours une entreprise risquée. Être à la fois bon comédien et acrobate de talent n’est pas donné à tout le monde. Trop souvent, le résultat n’est pas à la hauteur des ambitions. Malgré quelques répliques un brin mâchées et inintelligibles, les artistes du Cirque Le Roux tirent toutefois bien leur épingle du jeu, notamment avec quelques clins d’œil au parler québécois.

Avec son écriture dramatique solide, son jeu très physique et sa maîtrise de l’art circassien, cette troupe française a décidément tout pour voler le cœur des connaisseurs. Surtout ceux qui aiment se faire raconter une histoire entre deux prouesses athlétiques.

Consultez le site du spectacle

La nuit du cerf

Cirque Le Roux

À la TOHU , jusqu’au 30 avril

8/10