Pour célébrer les 20 ans de l’aventure incroyable des Triplettes de Belleville, le film sera projeté dimanche à Montréal en lumière lors d’un ciné-concert dont la trame sonore sera assurée par un orchestre de jazz dirigé par Benoît Charest. Nous en avons profité pour prendre des nouvelles du guitariste et compositeur de cette musique intemporelle qui l’avait mené jusqu’aux Oscars.

Ce spectacle, c’est celui qui avait été créé pour les 10 ans des Triplettes ?

C’est ça. Au départ, il y a eu l’engouement pour le film et la musique, mais on ne l’avait joué que quelques fois en formule cabaret. Quelques années plus tard, j’ai eu envie de sortir de mon studio et de trouver une façon de le faire qui serait intéressante. Les ciné-concerts, c’était plutôt rare à l’époque. On a monté le spectacle, on l’a proposé au Festival de jazz, ensuite on l’a fait à Los Angeles où on a rencontré un agent…

Il s’est beaucoup promené après ?

Oui ! On l’a fait beaucoup aux États-Unis, on est allés en Chine, en Australie, en Europe… En France on a fait deux tournées. De façon assez modeste, ç’a été un grand succès. C’était surprenant de voir à quel point le film de Sylvain Chomet avait voyagé. On a fait ça quelques années, puis comme pour tout le monde, la pandémie a mis un frein. Là on reprend le cours, mais pas trop parce que j’ai plusieurs projets personnels. On va limiter ça à quelques mois par année.

C’est normal d’avoir envie de faire autre chose…

Oui. En même temps, du point de vue des affaires, il n’y a tellement plus de sources de revenus pour les artistes… Pas le choix de faire de la tournée. C’est un revenu direct et une façon de faire la promo pour d’autres projets.

Est-ce que vous saviez à l’époque que vous aviez composé une musique à ce point intemporelle ?

C’est impossible de répondre à ça : si tu dis oui, tu as l’air hyper prétentieux ! Quand tu travailles sur un projet motivant, avec beaucoup de monde plein de talent et de créativité, il y a quelque chose de différent. Mais le succès, ce n’est pas quelque chose qu’on peut prévoir. C’est d’ailleurs un des problèmes de l’industrie aujourd’hui : ils veulent tellement prévoir le succès qu’ils produisent des choses insipides ! Ça donne ce qu’on voit au cinéma, des gros blockbusters qui sont tous faits sur le même moule. C’est pour ça que je trouve intéressant Les triplettes, un film un peu particulier, bizarre par moments, mais qui a du succès partout. La preuve que le public est capable d’en prendre plus qu’on pense.

C’est émouvant de présenter ce spectacle à Montréal ?

Je suis un peu cynique de nature… Mais oui, je suis content. Ça me rend heureux de faire ça ici. J’ai une certaine gratitude que des gens souhaitent encore voir ce spectacle, le booker. Mais je n’ai jamais fait ce métier pour devenir connu ou gagner un Oscar. Quand ça arrive, c’est un peu surréaliste. Ça m’a donné beaucoup de chance, mais n’ai jamais considéré que ma carrière avait abouti ou que ça m’était dû. C’est un concours de circonstances, d’une certaine façon. Vingt ans plus tard, ça me rend heureux de le présenter, c’est un trip aussi parce que les gens qui sont dans mon band, ce sont des amis.

Vous êtes combien sur scène ?

Neuf : un batteur, une contrebasse, un piano, moi, un percussionniste, trois vents, une chanteuse, Doriane Fabreg qui était dans DobaCaracol, qui remplace Betty Bonifassi depuis plusieurs années. J’ai adapté un peu les arrangements, mais on joue la musique que j’ai composée en suivant le film. On est plus proches de la musique classique que du jazz, parce qu’il n’y a pas vraiment d’impro possible. Mais il y a aussi de drôles de trucs. Je peux jouer de la guitare autant que de l’aspirateur, puis après on fait du gumboot. Comme on doit exécuter la trame sonore en temps réel, parfois il faut courir d’un instrument à l’autre, pour rester synchros.

C’est sportif, donc !

Oui, à la fin du spectacle, on a chaud !

Si on veut vous suivre, quels sont vos projets ?

Je fais de la musique de film, je donne des spectacles de jazz en quartet et je vais sortir un album avec un octuor de jazz. On finit le mix bientôt. J’ai aussi profité de la pandémie pour commencer une maîtrise en composition moderne, je suis en train de terminer mon mémoire. Oui, j’ai décidé, malgré mon âge honorable, de retourner à l’université avec des jeunes et c’est fabuleux. Ça a amélioré mon écriture, ça m’a apporté de nouvelles façons de penser l’orchestration et le son, ça a provoqué de petits moments d’épiphanie motivants. Les profs me trouvaient courageux, mais il n’y a pas d’âge pour étudier. Je suis vraiment content de l’avoir fait.

Consultez la page du ciné-concert Consultez le site oùvoir.ca pour voir le film sur vos écrans