Auteur, metteur en scène et acteur, Sébastien Dodge aime bien le mélange des genres. Entre burlesque, péplum et commedia dell'arte, Dodge exerce un théâtre satirique pour dénoncer le système tout en divertissant les gens. Ce printemps, il dirige deux productions qui critiquent avec humour deux milieux aveuglés par le pouvoir et l'argent : la politique et la télévision.

La réalité dépasse la fiction, dit l'adage. Or, l'actualité se colle parfois tellement à la fiction qu'elle donne un petit supplément de sens à une oeuvre.

La semaine dernière, Sébastien Dodge s'est réjoui d'apprendre la nouvelle du coup de filet de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) contre sept personnes, dont l'ex-vice-première ministre Nathalie Normandeau : « C'était comme le jour de Noël en salle de répétitions ! », dit-il en entrevue. Pas que Dodge en ait contre l'ex-ministre libérale. Le metteur en scène monte actuellement une comédie de moeurs dont le thème principal est... la corruption de la classe politique !

La pièce est signée Guillaume Lagarde et s'intitule Révolution à Laval. Elle se penche plus précisément sur les agissements des élus municipaux. Ces « républiques de mononcles », selon l'expression de Dodge, construites sur « notre odieuse absence de mémoire et la consanguinité ambiante du petit monde de la politique municipale ».

Comme Lagarde s'est inspiré d'Ubu roi d'Alfred Jarry, la pièce est caricaturale, absurde et cinglante. Toute ressemblance avec la réalité serait le fruit de votre imagination. Comme le titre l'indique, l'action se passe principalement à Laval. Roméo (Marc Béland), maire corrompu et insatisfait de Mascouche, se laisse convaincre par sa femme (Kathleen Fortin) d'organiser un complot meurtrier contre le maire de Laval (Jacques L'Heureux), dans le but d'être calife à la place du calife.

UN ÉTÉ HOULEUX

Ce n'est pas la première fois que Sébastien Dodge dénonce les failles du système politique. Finissant du cégep de Valleyfield, Dodge voulait créer, avec son ami Gaétan Paré, une trilogie « satirique et violente » contre la corruption (un premier volet municipal, puis provincial et ensuite fédéral) dans le cadre d'un projet de développement d'artistes locaux qui se produisaient durant l'été dans les parcs de Vaudreuil-Soulanges. « Ç'a été très pénible, se souvient-il. On commençait à jouer devant 200 personnes, on finissait devant 14 spectateurs. Les acteurs se faisaient huer et ils devaient hurler par-dessus les tests de son du spectacle de Marie Mai. L'été suivant, on a perdu notre subvention de la MRC pour produire la deuxième pièce... »

Dur, dur, le théâtre engagé en région.

Sébastien Dodge a plusieurs sources d'inspiration - de Jerzy Grotowsky à l'histoire de la monarchie -, mais c'est avec l'humour bête et méchant de Rock et Belles Oreilles qu'il a trouvé son style. « Peu importe ce que j'avance comme propos ou ce que je dénonce dans mes textes, au bout du compte, il doit y avoir un spectacle. Le théâtre, c'est aussi du divertissement. »

POUR EN FINIR AVEC LA TÉLÉVISION

En parallèle, Sébastien Dodge travaille à la mise en scène de sa nouvelle pièce, Televizione, à l'affiche du Quat'Sous dès le 11 avril. Une autre proposition résolument satirique et burlesque. « Le thème est l'ascension et le déclin de la télévision, invention fabuleuse récupérée par la propagande idéologique », peut-on lire sur le site du Quat'Sous.

En entrevue, l'auteur ne mâche pas ses mots envers le petit écran.

« La télé, c'est la dérape complète ! C'est de la boue, du vomi dans la bouche. On véhicule le mensonge, la facilité, le rêve à tout prix... »

- Sébastien Dodge

Aux yeux de l'auteur, l'espace médiatique accorde trop d'importance aux choses insignifiantes, aliénantes, et encourage la paresse intellectuelle. « Par exemple, je ne comprends pas pourquoi des interprètes de séries ou de théâtre acceptent de participer à des quiz télévisés... Ça dénature le sérieux de leur travail de comédiens. Les stars ont le choix et les moyens de refuser. »

Selon lui, la télé devrait plutôt miser sur « l'effort, la rigueur intellectuelle, la réflexion » et aborder des sujets importants pour la Cité. Engagé, voire enragé, Sébastien Dodge aimerait pouvoir écrire de grands drames émotionnels à la scandinave. « Or, ma force, c'est la satire. C'est la forme que j'ai trouvée pour dénoncer notre système social dysfonctionnel. Je voudrais qu'on dénonce le système 24/7, sur toutes les tribunes. »

Révolution à Laval, du 29 mars au 16 avril au Théâtre Espace Go (salle intime) ; Televizione, du 11 au 28 avril au Quat'Sous

SÉBASTIEN DODGE EN CINQ CRÉATIONS

Janvier 2016 : Toruk. Il joue le narrateur du spectacle du Cirque du Soleil.

2014 : Damnatio Memoriae. Texte et mise en scène de Sébastien Dodge. Production du Théâtre de la Banquette Arrière.

2010 : Huis Clos. Rôle : Le Garçon. Mise en scène de Lorraine Pintal. Au TNM.

2009-2010 : Une Fête pour Boris. Mise en scène de Denis Marleau. Il joue la pièce à l'Usine C, au Théâtre français du CNA à Ottawa et en tournée européenne.

2008 : Suprême Deluxe. Texte et mise en scène de Sébastien Dodge. Théâtre de la Pacotille. À l'Espace Geordie.