Quel beau cadeau que nous offre Sophie Cadieux pour clore sa résidence de trois ans à Espace GO! La comédienne signe une première mise en scène, fort réussie, d'un texte court mais percutant. La création de Tu iras la chercher de Guillaume Corbeil, auteur de Cinq visages pour Camille Brunelle, confirme une chose dont on se doutait déjà: la parole des trentenaires au théâtre québécois est essentielle et prometteuse.

Dans sa pièce précédente (qui sera reprise à Espace GO dès le 26 mars), Corbeil faisait le portrait de la génération Y à travers cinq personnages qui parlaient tous au «je». Cette fois, l'auteur a écrit un monologue pour une voix, dit à la deuxième personne par la merveilleuse Marie-France Lambert, dans la petite salle d'Espace GO.

La pièce raconte l'histoire d'une femme qui part sur un coup de tête à Prague, à la recherche d'une autre femme. Or, celle-ci s'avère n'être pas tout à fait autre. Dans sa fuite qui ressemble à un rêve éveillé, la narratrice se cherche désespérément. Elle est spectatrice de sa propre vie, se regardant vivre à travers les gestes mécaniques des autres, «coincée à l'extérieur du monde, derrière une épaisse vitre». Comme si la vie était toujours ailleurs, fuyante et répétitive.

Dans la première partie, coincée dans son manteau beige, Marie-France Lambert livre son monologue avec froideur, voire avec détachement, articulant chaque syllabe, calculant ses gestes en se déplaçant dans le décor minimaliste de Max-Otto Fauteux.

Dans le deuxième acte, qui est la reprise du premier, l'histoire est dite sur un tout autre registre. L'actrice enlève son manteau, comme si elle retirait une carapace. Son jeu devient très physique et expressif. On la sent parfois près de casser sous l'émotion, mais l'interprète, fort bien dirigée, demeure en contrôle. Et alors, la pièce de Corbeil prend son envol!

Une pièce kaléidoscopique

Tu iras la chercher est une petite forme qui a de grandes résonances. L'auteur qualifie d'ailleurs son oeuvre de «kaléidoscopique», tant sa parole se réfléchit à l'infini, nous emportant dans le vertige de cette femme seule. Tellement que nous voudrions la prendre dans nos bras pour lui prouver qu'elle ne l'est pas.

La pièce aborde, bien sûr, le thème inépuisable de l'identité, de la quête de soi. Mais avec distance, humour, luminosité. Un peu comme dans le théâtre de Samuel Beckett (sauf pour la lumière!), Corbeil crée des personnages solitaires qui contemplent le paysage désolant de la vie, pour mieux en extraire l'absurdité. Des personnages avec une telle soif d'absolu... que ça fait mal! Mais comme chez Beckett encore, ils savent qu'il faut continuer, repartir et renaître sans cesse de ses cendres.

En novembre dernier, Guillaume Corbeil a reçu le prix Michel-Tremblay du CEAD pour Cinq visages... C'est un jeune auteur sensible, brillant. Le premier titre de sa pièce primée était Nous voir nous. Trois mots qui montrent qu'il a bien saisi son travail d'auteur dramatique: tracer le portrait de la conscience des siens et le figer dans une portion d'éternité. C'est bien parti!

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À Espace Go jusqu'au 27 mars.