Oui, le titre est une référence à la chanson du groupe britannique Cornershop popularisé par Tjinder Singh dans les années 90. Mais Asha est aussi le nom de la mère de Ravi Jain, un dramaturge torontois d'origine indienne, de passage à Montréal pour nous parler de son mariage organisé. Avec sa mère à ses côtés pour nous donner «sa» version des faits.

Le mariage organisé par les parents de Ravi Jain il y a quelques années n'a jamais eu lieu. La mayonnaise, comme on dit, n'a pas pris.

Mais le jeune acteur et metteur en scène torontois - formé à l'Université de New York (NYU) et à l'École de théâtre Jacques-Lecoq à Paris - avait envie de partager l'expérience surréaliste qui l'a mené d'Etobicoke, en banlieue de Toronto, à Bombay, en Inde, pour faire la connaissance d'une jeune femme que ses parents auraient bien aimé avoir comme belle-fille.

«Les mariages organisés sont encore très fréquents, nous dit Ravi Jain, dont la famille a quitté New Delhi en 1974 pour s'établir à Toronto. Même pour ceux qui, comme moi, sont nés au Canada. Mais ultimement, on a quand même le choix de refuser. C'est ce qui s'est passé dans mon cas. Ça aurait pu bien se passer, mais ce qui m'a mis en colère, ce sont les mensonges et les jeux de coulisses...»

«Moi, je veux d'abord tomber amoureux, nous dit Ravi Jain, mais pour ma mère, l'amour est une idée, ça vient quand tu décides que ça vient. Après, l'amour grandit tout seul...»

À son retour de ce voyage en Inde, un froid s'est installé entre Ravi Jain et ses parents, avec qui il habitait toujours. «Un jour, j'ai dit à ma mère que je ferais un one man show pour raconter cette histoire et que j'allais la décrire comme une mauvaise mère! Elle m'a dit: «Si je donne mon point de vue, je suis sûre que les gens seront d'accord avec moi!» Ma mère est assez têtue... Je lui ai dit: «O.K. Faisons-le!»»

C'est ainsi que mère et fils ont travaillé ensemble pour raconter cette histoire universelle qui oppose tradition et modernité. Avec humour, il va sans dire. Et des samosas, servis en début de spectacle, «pour établir un contact avec le public». «C'est vraiment un récit autobiographique, insiste Ravi Jain. Le plus drôle, c'est qu'à la fin de chaque représentation, c'est ma mère que les gens vont voir!»

C'est sans doute ce qui fait le charme de ce spectacle. Le fait qu'Asha Jain ne soit pas une actrice professionnelle... «Dans la vie, elle est assez timide, mais sur scène, elle est capable de jouer son rôle, dit-il. Elle est très bonne. Au début, je la dirigeais un peu, mais maintenant, c'est elle qui me dit: «Ravi, tu prends trop de temps pour raconter ce bout-là de l'histoire, les gens s'endorment!»»

L'expérience de A Brimful of Asha a révélé une immense complicité entre mère et fils. «C'est vrai, nous dit Ravi Jain, j'ai une connexion très forte avec ma mère. Elle est directe, elle a la parlotte et elle a un bon sens de l'humour. C'est pour ça que le show fonctionne. C'est comme si on vous recevait, le public, chez nous, dans notre cuisine. Et qu'on jasait. Vous aurez l'impression d'une impro, mais tout est écrit.»

Toujours en désaccord

Après plus de 120 représentations depuis la création de la pièce au Théâtre Tarragone de Toronto, mère et fils ont-ils toujours le même point de vue? «Oui, répond Ravi Jain. On est restés campés sur nos positions, mais je crois qu'on comprend beaucoup mieux le point de vue de l'autre. On se respecte, mais on ne s'entend absolument pas.»

Il faut savoir qu'"Asha" veut aussi dire "espoir" en hindi, poursuit Ravi Jain. Même si ma mère et moi nous fâchons et que nous ne sommes pas d'accord, nous nous aimons beaucoup. Nous espérons ce qu'il y a de mieux l'un pour l'autre. C'est de cet espoir qu'on s'est nourri pour créer cette pièce. Seulement le chemin à prendre pour y arriver n'est pas le même...»

Ravi Jain signe également ces jours-ci la mise en scène de Lion in the Streets de Judith Thompson, une production des finissants de l'École nationale de théâtre (où il enseigne depuis deux ans) présentée au Monument-National. Il sera de retour à Montréal en janvier pour présenter Iceland, une pièce sur les conséquences de la crise financière écrite par Nicolas Bilon, qui sera présentée au Centaur Theater.

Alors, s'est-il marié, finalement?

«Oui, nous dit Ravi Jain. L'an dernier. Avec une fille que j'ai rencontrée par moi-même. Ici... Je ne vous en dis pas plus, car j'en parle dans le spectacle!»

Du 30 octobre au 1er novembre à l'Usine C.