Depuis huit ans, les Trois jours de Casteliers offre au public montréalais la fine fleur de la création mondiale du théâtre de marionnettes. Cette année, une des têtes d'affiche est Duda Paiva, ex-danseur contemporain converti à l'art de la marionnette qui présente un spectacle pour adultes inspiré de l'univers de Boris Vian.

«Nous voulons montrer toutes les facettes de l'art de la marionnette», explique la directrice générale et âme de l'événement, Louise Lapointe. Le travail de l'artiste néerlandais d'origine brésilienne Duda Paiva, une «sommité de la marionnette contemporaine», dit-elle, témoigne de l'effervescence de ce milieu et de son goût pour le mélange des genres.

«Les frontières sont éclatées, constate-t-elle. Le lien entre la marionnette et le corps est d'ailleurs une thématique qui revient dans notre programmation.» Logique que les danseurs s'intéressent à la marionnette, ajoute-t-elle. «La force des marionnettes est dans le geste, le mouvement, alors ça coule de source.»

Duda Paiva opine: son premier contact avec les marionnettes a été pour lui une véritable révélation. «Un jour, j'ai eu à travailler comme danseur avec une troupe de marionnettistes. Je suis littéralement tombé amoureux de cette façon de donner la vie, pas juste avec les mains, mais avec tout son corps.»

Depuis 13 ans, Duda Paiva développe ainsi un art unique avec ses marionnettes hybrides un peu monstrueuses, qui se situent entre l'humain et l'animal. «Les marionnettes, c'est l'accessoire théâtral par excellence, elles doivent être bigger than life!», lance-t-il.

La manipulation peut être traditionnelle, mais peut aussi aller beaucoup plus loin. «Il peut y avoir une véritable union avec la marionnette, vous pouvez lui donner votre jambe, votre bras...»

Métamorphoses

Duda Paiva crée lui-même ses marionnettes dans de la mousse très souple qui permet toutes les métamorphoses. Il peut les étirer, les comprimer, les retourner et leur donner tout un éventail d'expressions. «C'est un matériau très généreux... qui donne beaucoup plus qu'un vrai partenaire de danse!»

Le créateur estime qu'il fait avec ses marionnettes un «dialogue chorégraphique» narratif, plus proche du théâtre que de la danse contemporaine. «La marionnette a besoin de vie et d'une histoire. On doit comprendre pourquoi elle est là, sinon elle ne sert à rien.»

Duda Paiva présente à l'occasion des Trois jours de Casteliers son troisième spectacle solo, Bastard!, librement inspiré de L'arrache-coeur de Boris Vian. «C'est un spectateur qui trouvait mon travail bizarre qui m'a conseillé de le lire...»

Il a aimé la «ligne surréaliste» du livre, la vision de l'auteur sur l'absurdité du monde et son audace de créateur. On y reconnaîtra certains des personnages, particulièrement celui du psychanalyste Jacquemort. «Mais dans ma pièce, ce sont les autres qui veulent le psychanalyser.»

Duda Paiva fait un parallèle avec la situation politique aux Pays-Bas, où le gouvernement de droite fait allègrement subir des compressions à la culture. «C'est la critique d'un artiste qui se voit dans un dépotoir, qui essaie de comprendre où il est, et pourquoi. Mais il continue quand même de faire son travail malgré l'absence de soutien.»

Bien sûr, les niveaux de lecture restent multiples. On peut autant voir la critique sociale que se laisser porter par la folie et la poésie de Duda Paiva, qui raconte que les marionnettes ont carrément bouleversé son monde.

«Les gens qui n'ont jamais vu de spectacle de marionnettes pensent que ça va les rendre plus fragiles et plus stupides. Et c'est exactement ce que ça fait! Mais il n'y a rien de grave là-dedans, parce que ça ne rend pas plus faible. Et que ça fait se sentir jeune à nouveau.»

Les trois jours de Casteliers, du 7 au 10 mars. Infos: festival.casteliers.ca