Figure majeure du cinéma français depuis plus de 40 ans, Daniel Auteuil s’est récemment mis à la chanson. Il viendra interpréter pour la première fois au Québec les pièces très personnelles de son deuxième album sorti l’an dernier, Si tu as peur, n’aie pas peur de l’amour. L’iconique acteur nous a accordé un joyeux entretien téléphonique.

On sent dans cet album un mélange de nostalgie et de présent…

Oui. Le moment présent, on le doit aux arrangements de Gaëtan Roussel. Et ce que vous entendez de nostalgie, ce sont mes mélodies, mes musiques, mes textes ! Pour raconter des histoires comme ça, il fallait que ce soit avec des moyens de notre époque et de notre temps. En faisant attention de raconter des histoires crédibles, qui correspondent au monsieur que je suis aujourd’hui, à l’âge que j’ai aujourd’hui.

Les chansons parlent beaucoup du rapport père-fils, mais c’est vous autant comme père que comme fils ?

Oui, j’ai essayé d’écrire un scénario qui raconterait l’histoire d’un petit garçon, et le vecteur de la chanson fait que je peux l’interpréter. Je peux raconter mes propres histoires, ce qui me donne la force et la crédibilité de monter sur scène et chanter. Ce n’est pas quelqu’un d’autre, je ne suis pas déguisé, même si des fois, je m’habille en rocker ! (Rires)

Vous faites de la musique sérieusement, mais il y a quand même un amusement derrière, on dirait !

Plus qu’un amusement, je dirais un grand, grand plaisir, et je crois que c’est ça qui passe. Mais vous avez raison, je fais ça très sérieusement. Je ne joue pas un rôle, je ne fais pas le chanteur. Depuis quatre ans que je fais ça, c’est un métier nouveau que j’ai appris. Quand on est auteur-compositeur, il y a une intensité à donner, c’est très particulier. C’est un vecteur d’émotion. Ça me plaît beaucoup. J’aurais dû commencer il y a 10 ans.

Vos parents étaient chanteurs lyriques et vous avez fait des comédies musicales à vos débuts. L’idée de devenir chanteur un jour, c’était dans votre esprit ?

Oui, mais je n’osais pas. Et il faut dire que ma vie d’acteur me tient occupé. Je continue à faire des films, comme acteur, metteur en scène et auteur, j’ai une grande activité, qui se rapproche davantage de la création que du simple interprète. Ma frustration, peut-être, c’est de ne pas m’être pris en main plus tôt. Enfin, ce n’est pas la peine de dire j’aurais dû ou pu. C’est bien de le faire.

Vos textes sont très poétiques. Vous les travaillez beaucoup ?

Assez, quand même. Ça me vient de mon travail d’acteur de théâtre, de la fréquentation des grands textes. J’écris souvent les textes avant et la musique après. Je pars d’une phrase et des fils qu’on en tire. Et plus on tire, plus les images viennent. Il faut que le temps s’arrête, ou qu’on arrête le temps, pour faire ça. Mais une fois que j’ai mes textes, j’apporte ma guitare sur les tournages, et dans les caravanes, je peux me mettre à composer et m’échapper.

Vous composez toutes les mélodies ?

PHOTO ROBIN FRANÇOIS

Daniel Auteuil

Pas toutes. Celles qui ont le plus de succès, c’est Gaëtan ! (Rires) Sur l’album, il y a deux ou trois mélodies qui sont de lui, le reste, c’est les miennes.

Vous êtes aussi musicien ?

Non. Je suis né là-dedans, j’ai été baigné de musiques, de références, de mélodies. Sur mon premier album, Si vous m’aviez connu, l’émotion que les textes de Paul-Jean Toulet me procuraient, j’ai essayé de la transformer en musique. Je propose des mélodies, des chansons, après comme dans un film, un chef opérateur va structurer la lumière et l’image. Gaëtan et les musiciens structurent mes chansons.

Vous avez de la chance de vous être trouvés, Gaëtan Roussel et vous ?

Oui ! C’est les chances d’amitié. Ce qu’il y a de plus formidable, c’est que mes chansons, il a su les façonner à mon image, et pas à la sienne.

Est-ce que les spectacles et les albums vous forcent à négliger votre travail d’acteur ?

Pas du tout. J’ai la liberté de choisir. Cette année, par exemple, j’ai fait deux-trois films, dont un comme metteur en scène et acteur. J’ai le temps de tout faire. Ce n’est rien, 150 concerts en quatre ans !

Comment voyez-vous l’idée de venir chanter vos chansons au Québec ?

Comme une espèce de cadeau de Noël, ou d’anniversaire. C’est un cadeau que la vie me fait. En même temps, toute ma vie, j’ai fait en sorte de donner et recevoir. Je suis fabriqué pour ça.

On pourrait dire que vous avez une aptitude pour le bonheur ?

Je le veux. Au bout d’un moment, on comprend bien ce qu’il faut faire. Il faut la chance aussi, rencontrer les bonnes personnes, mais à un certain âge, si on continue à vouloir se faire mal, c’est qu’on n’a rien compris, quoi. Si on peut se donner les moyens de traverser de jolis moments, il ne faut pas les bouder.

C’est d’ailleurs la signification du très beau titre de l’album ?

Oui. Si tu as peur, n’aie pas peur, quoi. Vas-y, fonce, quoi qu’il arrive.

Le public qui ira vous voir, il doit s’attendre à quoi ?

Qu’il se laisse surprendre ! (Rires) Qu’il vienne en confiance. Oui, oui.

Quelle est votre relation avec le Québec ? Vous êtes venu souvent ?

Que deux fois, pour faire un film qui s’appelait La veuve de Saint-Pierre, avec Juliette Binoche. C’était du côté du Lac-Saint-Jean, en plein hiver, il faisait - 30. Pour être beau, je ne mettais pas ma casquette, donc j’avais le cerveau gelé et du mal à parler. Je suis revenu au printemps, et j’ai vu enfin les visages de tous les gens avec qui je travaillais !

C’est comme un nouveau territoire à défricher pour vous ?

Mais je ne viens pas pour défricher ! Je viens… pour semer quelques graines de coquelicot.

Daniel Auteuil est en concert au Théâtre Outremont les 30 avril et 1er mai. Il se produira aussi à Québec, Sainte-Agathe et Longueuil. Daniel Auteuil sera à l’affiche du film de Joachim Lafosse Un silence à partir du 3 mai.

Consultez la page du spectacle au Théâtre Outremont

Le #metoo du cinéma français

La vague #metoo a déferlé sur le cinéma français au cours des derniers mois. On ne pouvait faire autrement que d’en parler avec Daniel Auteuil, qui voit d’un très bon œil la parole des femmes qui se libère. « Je pense qu’il était temps. Les générations futures auront plus de facilité à cohabiter, c’était nécessaire. C’est vrai que c’est le milieu du cinéma qui est visé, mais c’est pareil partout, dans toute la société ! Nous servons de vecteur, mais ce serait trop simple si le mal n’était que là… C’est le monde, le monde qui change vite, vite, vite, et participer à ces changements, et les voir, c’est une chance. C’est ma façon de penser sur ces beaux mouvements. »