Nouvelle sensation de la chanson française qui fait le pont entre Barbara et Kraftwerk, Zaho de Sagazan a connu en un an une ascension fulgurante. Celle qui a remporté quatre trophées aux plus récents Victoire de la musique sera en concert vendredi et samedi à Montréal et à Québec. Rencontre avec une artiste qui a fait de sa sensibilité une force.

C’est déjà la deuxième fois depuis la sortie de son premier album en mars 2023 que Zaho de Sagazan vient chanter à Montréal. Elle faisait partie de la programmation des Francos l’été dernier, et non seulement elle se produira ce vendredi dans un Club Soda plein à craquer, mais elle reviendra en juin au MTelus, de nouveau dans le cadre des Francos.

« Depuis le début que je disais à ma manager que j’avais envie de venir au Québec », nous a dit jeudi matin l’autrice-compositrice-interprète, qui a atterri à Montréal lundi.

« J’en ai profité pour revoir une de mes meilleures copines, j’ai visité, marché, fait plein de trucs, raconte-t-elle. J’ai toujours été attirée par votre pays, votre énergie, votre gentillesse qui se ressent malgré l’océan qui nous sépare. J’ai été invitée aux Francos l’an dernier et c’était trop bien, je me suis dit : il faut que je revienne vite ! »

À 24 ans, la chanteuse à la voix profondément remuante est passée de quasi-inconnue à nouvel espoir de la chanson française. Elle a entre autres été portée par la magnifique chanson-titre de son album, La symphonie des éclairs, qui frôle les 20 millions d’écoutes sur Spotify, et dont le clip sorti en octobre a été vu près de 4 millions de fois.

Un des quatre Victoire qu’elle a reçus – sur cinq nominations – était d’ailleurs celui de la Chanson de l’année. « Être sensible, c’est être vivant, et on n’est jamais trop vivant ! », a déclaré dans son émouvant discours de remerciement l’artiste qui a longtemps cru que son extrême sensibilité était un défaut… jusqu’à ce qu’elle comprenne que c’était sa principale qualité. C’est d’ailleurs le sujet de cette chanson qui part d’elle, mais qui visiblement a atteint le cœur de beaucoup de « petites tempêtes », comme elle dit, et qui grâce à elle se sont senties moins seules.

PHOTO BERTRAND GUAY, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Zaho de Sagazan lorsqu’elle a reçu le prix de la Chanson de l’année aux Victoire de la musique le 9 février. Elle a été récompensée aussi dans les catégories Meilleur album, Révélation scène et Révélation féminine.

« C’est cette sensibilité qui nous rend gentils, compatissants, et plein de choses merveilleuses. Il faut en être fiers. C’est ce message que je voulais passer. »

En cette période de clivages de toutes sortes, parler d’amour et d’empathie peut sembler une hérésie, convient celle qui croit que pleurer devant un film est plutôt « un bon signe » qui démontre de la compassion.

Être gentil, ça devrait être la plus grande mode du monde. Mais notre époque est très compliquée pour les grands sensibles. Là, c’est chacun pour sa pomme ! On est tous des humains, il y en a d’autres qui vivent des trucs atroces, et toi, ça ne te dérange pas ? Quel enfer.

Zaho de Sagazan

Le pouvoir des mots

Avec son lyrisme, ses textes qui parlent d’amour et qui touchent à l’essentiel, la filiation de Zaho de Sagazan avec Barbara saute aux yeux. Et elle l’assume complètement. « C’est une artiste que j’ai énormément écoutée et je me suis beaucoup inspirée d’elle. »

C’est d’ailleurs en écoutant Barbara, mais aussi Brel et Souchon et tout le grand répertoire français que la jeune Zaho a compris que les émotions transmises par une chanson pouvaient être universelles et qu’elle a découvert le pouvoir des mots. « J’avais de la difficulté à m’exprimer. C’était vraiment horrible d’être incomprise », dit l’autrice-compositrice, qui s’est rendu compte, une fois assise au piano, qu’elle pouvait prendre le temps pour trouver les phrases justes et les réponses à ses questions.

La musicienne y est ensuite allée par étapes : après le pouvoir des mots, elle a découvert celui de la voix, puis de la mélodie, puis celui de la musique électronique. « Et là je me suis dit ah : si tu mets les quatre ensemble… » Kraftwerk est donc arrivé après Barbara, mais la musique électronique fait partie intégrante de sa musique et ses concerts sont « un mélange de tout ça ».

Il y a deux étapes. D’abord celle de laisser pleurer la tempête, et après de danser sous l’orage. On va du piano-voix de Dis-moi que tu m’aimes, à la musique techno électro berlinoise à fond pour danser comme des fous.

Zaho de Sagazan

Zaho de Sagazan a elle-même une formation en danse, et se défoule pendant ses concerts autant que le public. Que ce soit dans de grands arénas comme les Zéniths, dont elle vient d’entreprendre la tournée, ou des petites salles comme le Club Soda. « Oui et c’est génial de faire tout en même temps. Ce n’est pas la même chose, c’est une autre force, et j’adore l’exercice des deux. »

PHOTO BERTRAND GUAY, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Prestation de Zaho de Sagazan lors des Victoire de la musique, en février.

Rêver

Les choses sont allées très vite pour Zaho de Sagazan, et elle n’en revient toujours pas. « Je n’aurais jamais mis ma main au feu que ça se passerait comme ça. Par contre, j’ai rêvé assez grand, voire plus ! Je ne me mets aucune limite dans le rêve, j’ai reçu 50 Grammy dans ma douche… Je suis tellement reconnaissante que ça ait marché si vite. »

Extrait Les dormantes, Zaho de Sagazan
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Zaho de Sagazan avait seulement 21 ans quand elle a écrit l’incroyable Symphonie des éclairs. « Mais c’était plutôt vieux dans le processus de l’album, j’ai écrit Les dormantes vers 17 ans ! » Tout ne fait donc que commencer pour la jeune femme qui a appris de son père sculpteur la liberté de création – elle a même fondé son propre label pour assurer son indépendance, et son entourage professionnel est formé essentiellement de ses meilleurs amis de Nantes, où elle vit toujours – et l’importance du travail.

« Brel disait que l’art, c’est de la sueur. Je voyais mon père passer son temps dans son atelier, et j’ai compris que pour écrire de meilleures chansons… il fallait que je continue à en faire. » Et sa mère dans tout ça ? « Ma maman, elle m’a aidé dans mille autres choses. La passion des mots, de Barbara, ça vient d’elle. Elle était institutrice, et c’est elle qui m’a transmis son amour pour l’humain, qui est essentiel pour écrire des chansons. On est quand même très complexes, les humains. C’est merveilleux d’écrire là-dessus. »

Le spectacle de ce vendredi au Club Soda est complet.
Zaho de Sagazan sera de retour le 22 juin au MTelus dans le cadre des Francos.

Consultez la page des Francos sur le spectacle de Zaho de Sagazan

Qui est Zaho de Sagazan ?

  • L’autrice-compositrice-inteprète française originaire de Saint-Nazaire, en France, commence à diffuser des reprises de chansons connues sur Instagram dès 2016.
  • En 2023, elle a 23 ans quand elle sort son premier album, La symphonie des éclairs, qui l’a rapidement propulsée parmi les vedettes montantes de la chanson française et l’a amenée à donner plus de 100 concerts cette année-là.
  • En février 2024, elle a reçu quatre prix sur cinq nominations aux Victoire de la musique.