Avec l’appui indéfectible de précieux collaborateurs de longue date, Florent Vollant offre un disque entre lumière et fragilité.

Il a le sourire facile, Florent Vollant. Même affaibli par un AVC subi au printemps 2021, il affichait une bonne humeur apaisante lorsque je l’ai rencontré en avril de l’année dernière dans son studio de Mani-Utenam. Les chansons qui allaient se retrouver sur Tshitatau étaient déjà bien avancées, mais le grand faiseur de chansons innu n’était pas encore satisfait : il trouvait sa voix un peu éteinte.

Patiemment – ce n’est pas un homme pressé –, il a continué à travailler sa voix, avec l’aide d’une entraîneuse vocale, Mathilde Côté. Soutenu par une équipe de proches, dont son fils Mathieu Mckenzie, Kim Fontaine, André Lachance et le regretté Réjean Bouchard, il a repris son souffle… et fini par trouver la lumière qu’il cherchait.

Tshitatau ne sonne comme aucun autre disque de l’auteur-compositeur-interprète innu. On reconnaît bien sûr son amour pour le folk et le country, ainsi que les chœurs caractéristiques de sa musique. On retrouve à peu près le swing acoustique qui lui est propre, mais cet album-là est aussi empreint d’une fragilité inédite. Le chant de Florent Vollant est en effet empreint d’une fragilité qui confère à ses chansons une dimension encore plus touchante.

Ce qui palpite derrière ce phrasé parfois un peu court, c’est la vie qui continue malgré les obstacles, c’est l’acceptation de ce qui est et l’envie de faire du beau malgré tout. Cet album est particulièrement émouvant parce qu’on sait qu’il est le fruit d’un effort collectif. Familial, est-on tenté d’écrire.

C’est le guitariste André Lachance qui en signe l’essentiel des textes – en langue innue ! – et les musiques. C’est Réjean Bouchard, disparu en juillet dernier, qui tient la basse. C’est la bande de Maten, le groupe de son fils, qui l’entoure soit à la console, soit autour du micro. Sa coach de voix pose même la sienne sur tous les morceaux.

Ces gens-là se tiennent tous en rangs serrés derrière Florent Vollant, le portant autant qu’il les porte, concoctant des blues prenants (Innu Eyou, Ashuapami), du country bien senti (Tshitatau), du reggae convaincant (Nishi mue) et parfois tout ça en même temps (Meshkanau, peut-être le morceau le plus épatant du disque). Tshitatau est un objet d’une grande beauté, doté d’un cœur grand comme ça, à ranger tout de suite parmi les meilleurs albums de l’année.

Florent Vollant est aussi le « curateur invité » de la liste Indigenous de la plateforme Spotify. Sa sélection, qui comprend notamment des titres de Maten (l’excellente Nitepuatauat, avec les chanteurs de Black Bear), Elisapie, Beatrice Deer, Claude McKenzie (son complice au sein de Kashtin) et de Gilles C. Sioui, sera offerte jusqu’à la mi-mai.

Écoutez la liste Indigenous sur Spotify
Extrait de Meshkanau, de Florent Vollant
0:00
 
0:00
 
Tshitatau

FOLK INNU

Tshitatau

Florent Vollant

Makusham Musique

8,5/10