Apaisement : c’est le mot qui vient à l’esprit quand on écoute le nouvel album d’Andréanne A. Malette. Les jardins dérangés est le reflet doux et lumineux d’une longue quête intérieure, qui a commencé en Alaska et qui s’est terminée dans la jungle du Costa Rica.

Andréanne A. Malette nous fait remarquer en riant que son album sort... le même jour que celui de Taylor Swift ! « Elle a annoncé sa date après moi en plus ! » L’autrice-compositrice-interprète admire la star américaine, pas tant pour sa musique, qu’elle ne connaît pas vraiment, que comme modèle d’artiste et de femme d’affaires qui n’a de comptes à rendre à personne.

Elle fonctionne elle aussi depuis longtemps de manière indépendante. Les jardins dérangés est son quatrième album depuis qu’elle a participé à Star Académie en 2012, et le troisième qu’elle sort en autoproduction. « La période où j’ai été sous contrat avec un label, Productions J, ça a duré juste deux ou trois ans », souligne-t-elle.

Si l’artiste tient fermement les rênes de sa carrière depuis 10 ans, son émancipation personnelle a été un processus plus long. Elle racontait déjà son grand délestage dans son précédent album Sitka, créé après un voyage introspectif en Alaska. Mais c’est vraiment sur Les jardins dérangés que le résultat se fait sentir, grâce entre autres à l’émission de survie de TVA, Sortez-moi d’ici !, qu’elle a remportée l’an dernier. Cette expérience dans la jungle du Costa Rica a été « le dernier gros coup de réparation ».

« Ça m’a amenée à m’acheter une maison à la campagne, où cet album a été créé. Sitka était plus froid, nordique, percussif. Lui, on est plus dans les fleurs et la lumière. »

Extrait de L’horizon, d’Andréanne A. Malette
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Éloge de l’imperfection

Ce retour dans la nature, en solitaire, a été salutaire autant pour la musicienne que pour la femme. Non seulement elle a compris qu’elle pouvait créer dans le bonheur sans avoir à se « briser le cœur », mais elle s’est aussi donné le droit de revoir l’ordre dit normal des choses.

« J’avais appris qu’il fallait être en relation pour avoir une maison, puis après les bébés, les chiens... Là, je suis la femme seule qui s’achète une maison, je suis toujours en bottes à tuyau avec ma chainsaw ! Je trippe au boutte. » Après l’appartement en ville, le calme de la nature lui a permis de se déposer. Et le célibat dans une maison l’a aidée à créer, puisqu’elle a pu jouer de la musique... tout le temps.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Andréanne A. Malette

J’ai une totale liberté. Le piano est dans mon salon et je joue jusqu’à 3 h du matin, je me suis acheté un drum, et je peux chanter ! C’est niaiseux, je suis une chanteuse, et je ne chantais jamais parce que j’avais peur de déranger.

Andréanne A. Malette

Le très beau titre de l’album, Les jardins dérangés, est tiré de la chanson de Francis Cabrel Le reste du temps, qu’elle reprend aussi magnifiquement. Mais si dans son texte le chanteur français évoque les ébats de deux amoureux qui viennent « écraser les fleurs et déranger le jardin », ces mots ont résonné autrement chez Andréanne A. Malette.

Extrait de Le reste du temps, Andréanne A. Malette
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« C’est le jardin intérieur qu’on accepte avec ses imperfections, et il faut trouver une certaine beauté à travers ça. C’est ça Les jardins dérangés : ma tête, mon corps, ma vie, toute cette paix avec qui je suis. C’est le contraire d’une cour royale avec des cèdres bien taillés. Ça poussera comme ça poussera ! »

Andréanne A. Malette a trouvé l’apaisement en laissant remonter son « naturel profond ». Sur l’album, cela se reflète dans la douceur infinie de sa voix, dans la chaleur de la flûte traversière, dans l’élévation des arrangements de cordes.

Créé rapidement, Les jardins dérangés est donc l’album du lâcher-prise, et aussi celui de la collaboration. « Je fais plus confiance, j’ai moins besoin de prouver que je suis capable de le faire toute seule. » C’est d’ailleurs celui qui lui aura coûté le plus cher, dit en riant la productrice et réalisatrice, qui a de nouveau coréalisé avec son complice depuis trois albums, Antoine Lachance.

Apprentissage

Andréanne A. Malette a beaucoup raconté que c’est pendant le tournage de Sortez-moi d’ici ! qu’elle s’est donné pour la première fois le droit de briller et d’aller au bout de ses capacités. C’est le grand apprentissage qu’elle a retiré de cette aventure. « Je suis convaincue que je serais meilleure que je suis aujourd’hui si je n’avais pas essayé toutes ces années de ne pas déranger. »

Elle a été combative parce qu’elle avait envie de se dépasser, mais aussi pour remettre son prix de 100 000 $ au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. La cause lui tient à cœur, et elle aborde le sujet dans l’émouvante Au pied du grand chêne. « Mon amour, t’as pas besoin / De fermer le toit de la volière / Pour qu’elle me retienne », chante-t-elle.

Extrait d’Au pied du grand chêne, d’Andréanne A. Malette
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« Cette idée d’être contrainte, de calculer tout le temps sur quelle mine tu vas marcher de peur que ça saute, ça a été beaucoup d’années de ma vie », confie-t-elle. Ce n’est plus le cas, mais « le choc post-traumatique demeure » et elle choisit maintenant les membres de son entourage en fonction de leur compétence, bien sûr, mais aussi... de leur gentillesse. « C’est mon critère numéro un. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Andréanne A. Malette

Andréanne A. Malette a déjà amorcé sa tournée, mais celle qui se décrit d’abord comme une créatrice caresse mille projets. Son émission Feu de camp, qu’elle a tournée pendant la pandémie, sera bientôt diffusée à TVA. Et elle fera pour la 11e année consécutive la mise en scène du projet Jamais trop tôt, avec des jeunes de 14 à 17 ans, au Festival international de la chanson de Granby.

Elle espère que l’album se rendra jusqu’aux oreilles qui ont besoin de l’entendre, parce qu’elle est convaincue que si intime soit-il, ce qu’il transporte est universel. D’un album à l’autre, c’est quand même toute une mise à nu que la chanteuse de 35 ans fait.

« Comme artiste, on a la possibilité de faire du beau avec du laid. C’est une belle chance de pouvoir prendre ce qui est plus troublé, et de faire une fleur avec. »

Les jardins dérangés

Chanson

Les jardins dérangés

Andréanne A. Malette

Productions NIA