Deux ans après avoir remporté les Francouvertes, Rau_Ze lance Virer nos vies, premier album que les deux membres ont réalisé eux-mêmes dans leur salon et qui leur a fait vivre un paquet de premières fois. Portrait d’un duo créatif qui se comprend et se complète.

Rau_Ze, c’est le mélange parfait entre le feu de la chanteuse Rose Perron, 23 ans, et la quête de la perfection du musicien et réalisateur Félix Paul, 26 ans. « Artistiquement parlant, on est en business ! », lance Rose en entrevue, en précisant qu’ils ne sont pas un couple dans la vie.

« Je pense que chacun de notre côté, ça n’aurait pas donné grand-chose », estime Félix. Son amie le regarde doucement. « Des fois, je pense à ça, je suis très reconnaissante de te connaître. »

Extrait de Virer nos vies, de Rau_Ze
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« Mais on tient à notre autonomie ! On n’est pas codépendants », ajoute-t-il.

Ils ont en effet des activités connexes : Rose est notamment de plus en plus demandée comme choriste. Mais les deux artistes, qui se connaissent et font de la musique ensemble depuis six ans, forment une équipe soudée.

Le projet Rau_Ze s’est officiellement défini en 2022, à la veille de leur inscription au concours Les Francouvertes. Ils étaient à ce moment-là entourés d’un noyau de musiciens, mais ils ont fini par mettre les choses au clair : Rau_Ze, c’est eux deux.

C’est nous, nos tounes, on pense ça dans nos sous-sols. Le live, c’est différent, c’est une affaire de famille. Je joue avec eux depuis que j’ai 17 ans. C’est les musiciens de nos vies !

Rose Perron

Les choses ont décollé vite pour Rau_Ze après sa victoire aux Francouvertes. « On avait fait 45  shows avant même de sortir une seule toune ! », lance Rose. Un an plus tard, avec seulement trois chansons offertes sur Spotify, le duo avait atteint les 33 000 auditeurs mensuels.

La logique aurait voulu qu’ils lancent d’abord un maxi (EP) et qu’ils prennent leur temps, mais les deux amis ont voulu battre le fer pendant qu’il était chaud et sortir un album complet.

« On avait déjà un pied dans la porte et on voulait rentrer ! », lance Félix. Par entêtement ou naïveté (ou les deux !), les deux ont décidé de le réaliser et de le produire eux-mêmes et de le sortir sous licence avec la maison de disques 117 Records. Ils ont donc travaillé surtout dans leurs salons, « appris sur le tas » par essai-erreur, et sont bien conscients que ce chemin a été plus ardu que s’ils avaient engagé un réalisateur d’expérience.

« Ç’a été première fois après première fois », raconte Rose, qui a enregistré toutes ses voix… dans sa garde-robe ! « Heureusement qu’on a eu Jean-Bruno Pinard [Les Louanges] à la prise de son, il nous a épaulés. » Malgré tout, ils ne regrettent pas ce choix, qui a été très formateur et qui fait en sorte que leur son est plus « original », avance Félix.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Rose Perron et Félix Paul ont décidé de produire et réaliser eux-mêmes leur premier album.

« Mais en ce qui concerne la santé, je me suis bousillé les oreilles », raconte le réalisateur. Il a dû prendre une pause d’un mois, ce qui a aussi été très difficile psychologiquement. « Mais je me suis dit : ok, j’ai trop peur, mes oreilles, c’est mon outil de travail. On ne va pas faire un album et mourir ! On veut en faire toute notre vie. »

Le partage des tâches

Avec ses parfums de jazz, de R&B et de hip-hop, Virer nos vies s’inscrit parfaitement dans l’air du temps où les frontières entre les genres s’estompent. Si Les Louanges est une inspiration assez claire pour Félix du côté de la réalisation, Rose a plutôt puisé du côté des chanteuses québécoises qu’elle admire, de Diane Dufresne à Klô Pelgag.

« Écouter des femmes qui chantent, c’est la meilleure chose au monde ! », s’exclame-t-elle. « C’est tout ça qui vient créer un mélange intéressant », juge Félix.

Exrait de Pas la peine, de Rau_Ze
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Cet équilibre se reflète aussi dans leur partage des tâches. Si Félix compose et écrit la plupart des textes « sans grande trame narrative, sinon parler de la jeunesse à Montréal, parfois banale, parfois angoissante », ils sont inspirés par la vie, disons, intense et agitée de Rose. Elle rigole. « C’est dramatisé, romancé, des fois dédramatisé ! C’est très malléable. » Rose, elle, ajoute son grain de sel, « donne de la vie aux mélodies, ajoute des paroles ici et là ». Elle a aussi composé deux des neuf chansons de l’album.

On s’enligne vers ce que je préférerais, qu’on soit à 50-50 les mains dans le matériel. C’est vraiment ce qui vient chercher le meilleur de ce qu’on peut offrir.

Félix Paul

Alors qu’ils ont terminé l’album il y a à peine quelques semaines, le duo ressent un mélange de soulagement, de fierté et d’anxiété. « C’était interminable, il fallait qu’il sorte ! », lance la fougueuse chanteuse. « Moi, je n’ai pas coupé complètement le cordon. Ça ne fait que quelques jours que je n’ai plus le droit d’y toucher… Je suis tellement dedans, je n’ai aucun recul. »

« Je veux juste le sortir et voir où ça mène, ajoute-t-elle. On a déjà tout fait, tout donné pour ça ! Je veux juste qu’une personne l’aime. Ma mère l’aime, c’est correct. »

Les deux amis ont surtout hâte de reprendre la route des festivals pour un troisième été, ils savent quand même que leur parcours sera fait encore de nombreuses premières fois, et ont un peu de difficulté à se projeter dans l’avenir.

« Dans cinq ans ? J’espère qu’on sera en train de faire notre troisième album. Si possible », dit Rose. « Je me voyais dans cinq ans où j’étais il y a un an et demi, dit Félix. J’ai l’impression qu’on a sauté plein d’étapes. Si ça pouvait stagner un peu, je serais content ! Je ne veux juste pas que ça descende. »

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