Le succès du groupe britannique The Last Dinner Party a été si soudain que des mauvaises langues ont laissé entendre que le quintette londonien était une « création de l’industrie ». Les jeunes musiciennes ont rapidement remis les pendules à l’heure et le font invariablement à chaque spectacle livré à guichets fermés, comme ce sera le cas vendredi au MTelus.

Avant même le lancement de leur premier album Prelude to Ecstasy en février dernier, The Last Dinner Party avait suffisamment fait de bruit avec ses premiers extraits pour remporter les honneurs du BBC Sound of 2024 au terme d’un sondage du diffuseur public britannique tenu auprès de 140 musiciens et experts de l’industrie. Le groupe a ainsi rejoint une impressionnante brochette d’artistes qui ont depuis atteint le statut de vedette – on n’a qu’à penser à Adele, Lady Gaga, Dizzee Rascal, The Weeknd, Dua Lipa, Billie Eilish ou Lewis Capaldi. Quelques semaines plus tard, le quintette recevait le titre de révélation de l’année aux Brit Awards.

PHOTO CARL MCINTYRE, FOURNIE PAR UNIVERSAL MUSIC GROUP

Les membres de The Last Dinner Party, dans l’ordre habituel : Abigail Morris, Emily Roberts, Aurora Nischevci, Lizzie Mayland et Georgia Davies.

C’est énorme pour un groupe qui s’est produit la première fois en novembre 2021 devant une poignée de personnes dans une obscure taverne londonienne. Trois mois plus tard, The Last Dinner Party signait un contrat de disque quelques jours après la diffusion d’une vidéo tournée à son insu par un documentariste à l’occasion d’un autre concert tenu dans une autre minuscule salle du sud-est de la capitale britannique. Or, c’est en écoutant ladite vidéo que l’on s’aperçoit que tout ce qui explique actuellement le succès du groupe était déjà en place : allure, performance, musique, The Last Dinner Party était un projet clés en main pour Island Records.

Nous avons formé le groupe en tant qu’amies et nous mettons beaucoup d’efforts dans tout ce que nous faisons. On s’investit dans chacun des aspects, qu’il s’agisse de notre jeu, de notre écriture, de nos vêtements et même de nos vidéoclips. On essaie vraiment de s’impliquer à 100 %.

Emily Roberts, guitariste de The Last Dinner Party

Ainsi, même l’allure baroque déjantée si caractéristique du groupe est le résultat d’un processus créatif qui appartient entièrement au groupe. « On s’habillait comme ça simplement pour aller voir des spectacles, nous apprend en riant la guitariste rythmique Lizzie Mayland. C’est un peu devenu notre code vestimentaire, nous avons donc poursuivi avec le même look dans le groupe. C’est en fait comme ça que nous avons trouvé notre nom, en référence à l’image décadente et un brin grotesque des dîners festifs que l’on associe parfois à cette époque. »

Les membres du groupe nous disent d’ailleurs être ravies de voir leurs fans s’habiller dans le même style qu’elles. Emily Roberts soutient qu’il y a aussi beaucoup de papas qui viennent voir les concerts avec leurs filles : « C’est tellement mignon, j’adore ça, nous dit-elle en riant. C’est vraiment le genre de spectacle où j’accompagnerais moi-même mon père, c’est certain ! »

Extrait de Nothing Matters

Le rock, une affaire de filles !

Cette exubérance théâtrale prend aussi sa source dans les influences musicales du groupe – elles nomment d’emblée Queen, David Bowie, Kate Bush, Florence and the Machine et Metallica. « Nous avons toutes écouté beaucoup de rock en grandissant, nous dit Lizzie Mayland. Même si nous avons des parcours et des approches musicales différents – Georgia et moi n’avons aucune formation musicale alors qu’Emily est diplômée en guitare jazz et Aurora en composition classique –, nous avons des intérêts communs qui définissent notre façon de composer. »

La claviériste Aurora Nishevci nous explique justement la démarche créative pour le premier album, qui a démarré généralement avec les mélodies pondues par la chanteuse Abigail Morris qui s’accompagnait au piano avant d’amener tout ça en groupe. « Lizzy a fait les harmonies vocales, je me suis occupée des arrangements orchestraux et Emily a écrit ses solos de guitare », souligne-t-elle.

Extrait de Sinner
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Des solos de guitare, voilà quelque chose qui semblait en voie d’extinction, non ? « Abby a dès le départ voulu des guitares dans le groupe, confirme Emily Roberts. Je trouvais ça d’ailleurs un peu étrange que quelqu’un cherche spécifiquement une guitariste solo, parce que ça n’existe à peu près plus de nos jours. On n’est plus dans les années 1980, après tout ! Mais c’est bien de pouvoir montrer notre jeu dans ce contexte, et moi, ça me plaît de pouvoir épater la galerie », ajoute en rigolant la guitariste, très discrète au demeurant.

Le hasard veut que The Last Dinner Party visite Montréal deux jours après la visite d’Olivia Rodrigo, une autre fière représentante de la génération Z qui souffle fort sur les braises du rock. « Il y a eu d’autres femmes qui ont fait du rock au fil des années, on n’a qu’à penser au mouvement riot grrrl des années 1990, nous dit Aurora Nishevci. Il y a tellement de groupes féminins de rock en ce moment, ou encore des groupes dans lesquels on trouve des femmes. Ça revient en force, on peut vraiment le voir actuellement. »

Au MTelus vendredi soir