Rafael Payare, Voivod et Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques : c’est une rencontre improbable qui a eu lieu mardi soir, alors que l’OSM dévoilait à la Maison symphonique sa programmation 2024-2025, la troisième du chef vénézuélien en tant que directeur artistique de l’orchestre montréalais.

C’est exactement l’objectif que Rafael Payare recherche depuis son arrivée à Montréal, soit diversifier les programmes et les publics, et faire se côtoyer toutes les sortes de musique. « C’est comme la nourriture. Surtout ici, dans une ville aussi cosmopolite », nous a confié Rafael Payare, qui explique aussi que la fréquentation des salles n’est pas tout à fait revenue à son niveau prépandémique. La diversité de choix peut ainsi attirer les gens, et un nouveau public, au concert.

« Moi, je suis chanceux. Pour mes concerts, il y a beaucoup de personnes, mais ce n’est pas le cas pour tous. L’orchestre doit penser à ça, y aller petit à petit. C’est pour ça aussi que certains concerts, au lieu de les présenter trois fois, on fait deux représentations. »

Rafael Payare s’est beaucoup amusé pendant que Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques a présenté la nouvelle série dont il sera l’hôte. Si un humoriste le fait rire ainsi, peut-on maintenant dire qu’il connaît bien la culture québécoise ? « Mon français s’améliore, je me sens vraiment chez moi. C’est une blague. L’autre journée, les gens disaient “il fait chaud, il fait doux”, mais c’était vraiment froid ! »

PHOTO ANTOINE SAITO, FOURNIE PAR L’OSM

La directrice principale de la programmation de l’OSM, Marianne Perron, le chef Rafael Payare et l’humoriste Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques

Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques sera donc l’animateur de trois concerts présentés en format 5 à 7, et ce grand amateur de musique classique ne pouvait pas être plus content. « Je vais essayer d’être à la hauteur. C’est très prestigieux, l’OSM. Il a une réputation, et je ne veux pas la ternir ! Ce que j’aime, c’est que malgré l’étiquette d’humoriste, la musique sera au premier plan. Mon rôle sera d’ouvrir des portes, de donner des clés. »

L’humoriste avait travaillé déjà avec l’OSM en faisant quatre capsules vidéo informatives sur la musique diffusées à l’automne et au printemps. L’animation de concerts, pour laquelle il a l’intention de bien se préparer, lui permet de pousser l’expérience encore plus loin.

J’ai toujours eu ce rêve un peu caché. Un des grands spectacles que j’ai vus, c’est André Sauvé avec l’OSM, mais il y a eu aussi les Cowboys Fringants, IAM… Le mix des genres et des disciplines, ça m’a toujours attiré.

Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques

Une saveur pop… rock !

Parlant de mélange des genres, la série OSM Pop frappera fort cette année avec Voivod. Le mythique groupe de métal québécois sera à l’honneur dans un concert dirigé par Dina Gilbert. Le batteur Michel Langevin, qui croit que ce concert attirera autant des fans de Voivod de partout dans le monde que des fans de l’OSM qui découvriront le groupe, avoue son stress : « Si je me trompe, c’est tout l’orchestre qui se trompe ! »

Mais en 41 ans, les vétérans musiciens en ont vu de toutes les couleurs. Et ce genre de concert symphonique, comme l’avait fait Metallica avec l’Orchestre symphonique de San Francisco, Voivod en rêvait depuis toujours.

On a beaucoup intégré des éléments de classique contemporain dans notre musique, des compositeurs plus éclatés comme Bartók. On imaginait souvent qu’on écrivait de la musique pour des films de science-fiction. Le lien se fait plus qu’on pense, ça va être un peu rock progressif.

Michel Langevin, batteur du groupe Voivod

La série OSM Pop mettra aussi en vedette le duo hip-hop Radio Radio et offrira un En direct de l’univers un peu modifié à… France Beaudoin, pour la première fois. L’animatrice sera en compagnie des musiciens et des choristes de l’émission.

Les ciné-concerts, avec entre autres la magnifique partition du film de François Girard Le violon rouge, seront de retour. Tout comme Kent Nagano, qui reviendra célébrer Noël à Montréal, entre autres avec Marie-Nicole Lemieux et le groupe trad Le Vent du Nord.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Rafael Payare en est à sa troisième saison à la barre de l’OSM.

Souligner Schönberg

Bien sûr, la programmation des grands concerts ratissera large dans la grande musique. Le cycle Mahler se poursuivra, on annonce un festival Mozart de trois concerts – dont le Requiem et l’opéra Cosi fan tutte –, le pianiste Daniel Trifonov ainsi qu’une foule d’autres solistes renommés feront partie des invités tout au long de la saison. On pourra entendre aussi des œuvres de Beethoven, Berlioz, Ravel, Strauss, Villa-Lobos et combien d’autres.

Quant au concert d’ouverture en septembre, qui sera entièrement consacré aux Gurre-Lieder de Schönberg, il fera le lien avec cette saison qui s’achève. L’OSM enregistre en effet ce mercredi deux œuvres du compositeur autrichien dont on célèbre cette année le 150e anniversaire de naissance, La nuit transfigurée et Pelléas et Mélisande. Rafael Payare est d’ailleurs arrivé légèrement en retard à la rencontre de presse, en s’excusant, après une répétition qui s’était étirée. L’orchestre est-il prêt pour l’enregistrement ?

« Oui, oui ! nous répond en souriant le chef. Je devais seulement discuter avec les producteurs. » L’album sortira en octobre sous étiquette Pentatone, comme les deux précédents de l’OSM.

Pour Rafael Payare, qui fait partie d’un prestigieux comité international des festivités du 150e anniversaire organisé par l’Arnold Schönberg Center Private Foundation de Vienne, non seulement le compositeur est une figure majeure dont le langage a révolutionné la musique, mais en plus il revêt une importance bien personnelle. La nuit transfigurée est en effet la première œuvre qu’il a dirigée avec l’OSM en 2018, alors qu’il était chef invité. Il met la main sur son cœur, visiblement fier. « Ça boucle la boucle. »