Le premier des deux concerts d’Olivia Rodrigo au Centre Bell nous a fait franchement plaisir. De voir des milliers de jeunes danser ou sauter sur la pop-punk décomplexée de la chanteuse américaine avait vraiment quelque chose de réjouissant. Le rock est entre bonnes mains, nos bras meurtris ont, semblerait-il, réussi à passer le flambeau !

Il fallait effectivement voir et entendre cette foule constituée presque essentiellement d’adolescentes et de jeunes femmes au début de la vingtaine. Les quelques hommes aperçus accompagnaient leurs conjointes ou leurs filles. Il y avait effectivement quelques fillettes, en dépit du fait que Rodrigo se soit fait reprocher par certains esprits puritains d’aborder des sujets adultes – la chanteuse s’est fait connaître adolescente dans la série High School Musical, de Disney. La jeune femme de 21 ans a notamment lancé la fondation Fund 4 Good, qui défend le droit à l’avortement en distribuant aux États-Unis des kits comprenant des condoms et des pilules abortives, initiative qui a fait scandale dans les États qui ont rendu l’avortement illégal.

Honnêtement, on n’a rien vu pour écrire à sa mère, aussi coincée soit-elle.

La chanteuse a été incroyablement généreuse, terminant son spectacle avec un bain de foule prolongé en parcourant tout le parterre, multipliant les accolades et acceptant les cadeaux de ses fans. Il fallait aussi la voir assise sur un croissant de lune flottant tout autour du parterre pendant les ballades Logical et Enough for You en saluant tout le monde jusqu’à son retour sur le plancher des vaches ! On est bien loin de Courtney Love…

Sur scène, justement, Olivia Rodrigo a montré son côté givré en ouverture et en clôture de spectacle, amorçant la soirée avec Bad Idea Right ? et Ballad of a Homeschooled Girl, deux titres musclés tirés de son plus récent album, Guts. Le sprint final a été plus féroce encore : Brutal a mis en valeur les guitaristes et bassiste de son groupe dur à cuire entièrement féminin, Obsessed nous a permis de voir une Olivia installée dans sa flamboyante robe rouge directement au-dessus d’une caméra fixée sous une section transparente de la scène avant de courir conclure la chanson à la guitare, alors que le tube All-American Bitch nous a donné la finale punk rêvée où la chanteuse a demandé au public de crier de toutes ses forces.

On croit y avoir laissé un bout de notre tympan gauche. En effet, les décibels générés par près de 15 000 jeunes filles sont franchement impressionnants. Pendant Vampire, c’est à peine si on entendait la voix de la chanteuse !

Le cœur du concert a montré le côté tendre de la chanteuse, notamment sur Traitor, première chanson de la soirée tirée de son album Sour. Le solo final de la ballade s’est achevé avec une première chorégraphie d’un groupe de danseuses qui reviendra ensuite régulièrement, une contribution toujours judicieuse et dosée. Une éclipse qui laissera le temps à la chanteuse de réapparaître derrière un piano à queue installé au centre de la vaste scène taillée en forme de papillon. Elle y chantera Drivers License et Teenage Dream, cette dernière chanson étant accompagnée d’extraits vidéo de la petite Olivia enfant. « J’ai écrit cette chanson alors que je venais d’avoir 19 ans, et j’avais vraiment peur de vieillir à ce moment-là, a-t-elle avoué. Maintenant, je viens d’avoir 21 ans et je suis pleinement heureuse, j’ai même hâte à mes prochains anniversaires. »

L’autre moment attendrissant est survenu avant Jealousy ; l’excellente chanson démarrée par la basse lourde et chaloupée de Moa Munoz a été précédée par quelques séquences croquées sur le vif dans la foule, y compris un jeune couple d’hommes gais qui s’est tendrement embrassé, au grand plaisir de la foule, mais surtout de la chanteuse, manifestement ravie.

La chanson Can’t Catch Me Now, composée par Olivia pour le film Hunger Games : The Ballad of Songbirds & Snakes, a été un autre point fort de la soirée. L’excellente ballade folk, un peu moins connue parce qu’encore toute neuve, a permis de mettre en valeur le talent de mélodiste de la jeune musicienne en plus de mesurer la puissance et la justesse de sa voix, impressionnante à bien des égards.

Enfin, un mot sur la première partie assurée par Chappell Roan, accueillie avec enthousiasme et servie par une mise en scène et des jeux d’éclairage beaucoup plus élaborés que dans les habituelles premières parties. Avec quelques-unes de ses chansons reprises en chœur par une partie de la foule – Hot to Go ! et Casual, notamment. Une belle façon d’amorcer une soirée énergique menée de main de maître par un groupe d’artistes 100 % féminin.