Depuis la disparition du Trio Beaux-Arts il y a une quinzaine d’années, le Trio Wanderer s’est hissé parmi les maîtres trios de notre temps. Son retour à Montréal mercredi soir, à la salle Bourgie, figure parmi les grands moments de musique de chambre de l’année.

« Le printemps, c’était pas évident », lance, pince-sans-rire, le violoniste Jean-Marc Phillips-Varjabédian en annonçant le rappel, Un matin de printemps de Lili Boulanger, une œuvre jouée jusqu’à plus soif par tous les orchestres de la province dans les trois dernières années, mais qui gagne une rare distinction lorsque jouée dans cet arrangement fait par la compositrice (c’est d’abord une œuvre pour violon et piano).

La salle de la rue Sherbrooke était presque pleine pour entendre cet ensemble français qui accumule les succès critiques depuis sa fondation en 1987. Au programme, deux partitions majeures pour trio et une un peu moins commune : le Trio no 1 en ré mineur, op. 63, de Schumann, le Trio no 2 en mi bémol majeur, op. 100, de Schubert, et Tristia, un arrangement de La vallée d’Obermann (une œuvre originellement pour piano seul) de Liszt.

On ne peut qu’abonder dans le même sens que les notes biographiques, qui parlent de la « complicité presque télépathique » des Wanderer.

Habitués de partager la scène depuis le premier mandat de Mitterrand (sauf pour le violoniste, arrivé au début de l’époque Chirac !), les trois musiciens n’ont en effet pas besoin d’une multitude de signaux pour se comprendre.

Le plus remarquable des trois est probablement le violoncelliste Raphaël Pidoux, dont le père, Roland, a d’ailleurs enregistré le Schubert du jour chez Harmonia Mundi avant l’avènement des Wanderer. Sa sonorité, qui nous avait charmés il y a trois ans lors de la parution d’un disque de sonates de Beethoven, est caractérisée par une agréable densité, en particulier dans Tristia, une œuvre un peu étrange (on n’est pas dans une écriture pour trio traditionnelle), mais qui a l’avantage de mettre tous les musiciens successivement sous les projecteurs. Pidoux est tout aussi remarquable dans le fameux Andante con moto du trio de Schubert.

Aux côtés du discret, mais efficace pianiste Vincent Coq, le violoniste Jean-Marc Phillips-Varjabédian fait figure du roc au sein du trio. La justesse n’est cependant pas toujours au rendez-vous dans Schumann.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

De gauche à droite : Jean-Marc Phillips-Varjabédian (violon), Vincent Coq (piano) et Raphaël Pidoux (violoncelle)

C’est dans Schubert que le trio se fait le plus convaincant. Pas que le Schumann soit à jeter aux orties, loin de là. Mais il manque peut-être un peu d’abandon, de « mise en danger ».

Il est vrai que Schubert est d’une tout autre eau, avec des tempos généralement modérés loin des emportements schumanniens. Le premier mouvement, fait sans reprises, est particulièrement remarquable, en particulier le deuxième thème, agréablement insinuant sous les souples archets du violoniste et du violoncelliste.

Si les trois autres mouvements sont tous aussi exaltants, on se souviendra davantage du deuxième, doucement furtif, malgré son tempo assez rapide.

Les membres du trio donneront un cours de maître gratuit ce jeudi, 11 h, toujours à la salle Bourgie.