Le printemps orchestral montréalais se poursuit dans le faste avec, un mois après la venue de l’Orchestre de Paris, celle de l’Orchestre de Philadelphie, en tournée avec son chef Yannick Nézet-Séguin.

Pas de soliste pour cette soirée, la troisième après Toronto et Ottawa, mais deux symphonies intimement liées à l’histoire ancienne et récente de cet orchestre d’élite.

La Symphonie no 2 en mi mineur, op. 27, de Rachmaninov d’abord, un compositeur qui a collaboré étroitement avec l’ensemble philadelphien à la fin de sa vie, allant jusqu’à enregistrer ses propres concertos avec lui et à lui accorder la création de son ultime chef-d’œuvre, les Danses symphoniques, op. 45.

L’orchestre allait en outre par la suite enregistrer à trois reprises l’entièreté des symphonies du compositeur avec Ormandy, Dutoit, puis, tout récemment, Nézet-Séguin (chez Deutsche Grammophon). La « langue » russe lui est donc on ne peut plus naturelle.

En guise d’introduction à ce monument de près d’une heure, était proposée une œuvre du cru, la Symphonie no 4 en ré mineur de l’Afro-Américaine Florence Price, une contemporaine de Rachmaninov dont le chef et l’orchestre sont devenus les principaux ambassadeurs, notamment par l’intermédiaire de deux enregistrements chez Deutsche Grammophon, dont le premier a été récompensé d’un Grammy.

Comme pour l’Orchestre de Paris, le public montréalais était au rendez-vous, l’administration de l’Orchestre Métropolitain (OM), qui chapeautait la soirée, ayant même dû ouvrir les galeries debout au dernier étage de la Maison symphonique. Et un peu partout, des visages assez connus : ceux des musiciens de l’OM venus écouter leurs confrères et consœurs.

Qu’en est-il du fameux Philadelphia sound ? Même si les vents ne sont pas nécessairement tous impeccables pour un ensemble de ce niveau, les cordes n’ont pas usurpé leur réputation. Le son, aussi profond que chaleureux, vous pénètre jusqu’aux os, en particulier dans la Symphonie de Rachmaninov (quel adagio !).

La Symphonie no 4 de Florence Price, retrouvée en 2009 seulement, n’apporte pas grand-chose pour ceux qui ont entendu ses Symphonies nos 1 et 3 lors des deux précédentes saisons du Métropolitain. Les thèmes, l’harmonie, les couleurs orchestrales… on a un peu une impression de déjà-vu. Sauf en ce qui concerne certaines sections du troisième mouvement (toujours une Juba dance chez Price) qui, par leurs percussions passablement exotiques, évoquent quelque musique amérindienne.

  • Yannick Nézet-Séguin dirigeait l’Orchestre de Philadelphie, vendredi soir, à la Maison symphonique de Montréal.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Yannick Nézet-Séguin dirigeait l’Orchestre de Philadelphie, vendredi soir, à la Maison symphonique de Montréal.

  • Yannick Nézet-Séguin s’adresse à la foule au terme d’un mouvement endiablé.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Yannick Nézet-Séguin s’adresse à la foule au terme d’un mouvement endiablé.

  • Yannick Nézet-Séguin en pleine communion avec ses musiciens

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Yannick Nézet-Séguin en pleine communion avec ses musiciens

  • Le maestro saluant la foule. alors que celle-ci applaudit la fin du concert

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Le maestro saluant la foule. alors que celle-ci applaudit la fin du concert

  • Intensité et précision étaient au rendez-vous sur la scène, vendredi soir.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Intensité et précision étaient au rendez-vous sur la scène, vendredi soir.

  • L’Orchestre de Philadelphie poursuivait sa série de trois concerts en sol canadien, après des arrêts à Toronto et Ottawa.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    L’Orchestre de Philadelphie poursuivait sa série de trois concerts en sol canadien, après des arrêts à Toronto et Ottawa.

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Le deuxième mouvement n’est pas dénué d’intérêt, mais quiconque connaît le mouvement correspondant dans la Symphonie no 9 de Dvořák (le célèbre largo) verra de troublants parallèles : mêmes enchaînements harmoniques, orchestration semblable…

Nézet-Séguin dirige cela avec beaucoup d’amour, laissant tout respirer dans les deux premiers mouvements, faisant corps avec les syncopes du troisième mouvement.

Ce n’était rien en comparaison de ce qui allait nous attendre après l’entracte, avec Rachmaninov. Ce qui frappe d’abord, c’est l’adéquation entre les tempos choisis par le chef et ce qui apparaît sur la partition. Contrairement à plusieurs chefs qui alourdissent les allegros, Nézet-Séguin insuffle une vraie énergie aux deuxième et quatrième mouvements (respectivement marqués allegro molto et allegro vivace), qui dégagent une authentique urgence.

Si l’adagio nous a paru un poil vite (mais il est vrai que sa longueur invite peut-être à ne pas trop traîner…), le largo initial était idéal, habité d’une bouleversante affliction.

Le chef, visiblement aux anges devant l’accueil enthousiaste fait par les Montréalais à son autre famille, est allé remercier chacun des chefs de pupitre. Il lui restera à nous présenter son troisième orchestre, celui du Metropolitain Opera !

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