Half Moon Run, Matt Holubowski, les sœurs Boulay, Elliot Maginot, Elisapie, Claudia Bouvette et Jason Bajada étaient réunis samedi au MTelus pour traduire en spectacle la musique de l’album collectif 1969.

Il est plutôt rare qu’autant de talents soient réunis au même endroit, que tout ce savoir-faire se retrouve en divine communion et que plus de 2000 personnes soient conviées à en témoigner. Grâce à la vision du réalisateur Connor Seidel, tout cela a été possible. Si l’on se doutait que le ralliement de tous ces artistes donnerait quelque chose de sublime, le concert 1969 Live a surpassé les attentes.

Ce n’était pas tape-à-l’œil, mais plutôt délicat et soigné. On n’a pas tenté de remplir le moment d’artifices. On ne comptait plutôt que sur l’immense talent de toutes les personnes sur scène, et c’était certainement la chose à faire. Comme seul décor, de larges assortiments de plantes du studio Sveja suspendues de part et d’autre de la scène. Çà et là, des luminaires à la lumière tamisée et, au sol, des tapis rappelant la pochette de l’album. L’attention aux détails est évidente. En toile de fond, un écran où l’on a projeté des vidéos de la création de l’album 1969 ou de simples jeux de formes et de couleurs pour accompagner le chant des artistes. La mise en scène de Myriam-Sophie Deslauriers, alors que tant d’éléments devaient cohabiter dans un seul et même spectacle, a permis de donner tout son sens à la musique, libre de s’épanouir dans un terrain de jeu superbement pensé.

Ils étaient sept groupes ou artistes solos à se succéder sur scène pour interpréter chacun deux ou trois chansons. Quelques artistes du collectif n’ont pas pu se joindre à la fête, mais ceux qui y étaient ont su en faire un spectacle exceptionnel.

Des moments précis nous ont marquée – comme l’amorce du concert, brillamment assurée par Elliot Maginot, les harmonies séraphiques des sœurs Boulay, le piano-voix de Matt Holubowski ou la majestueuse présence d’Elisapie. Mais par-dessus tout, l’harmonie qui a uni chacun de ces moments a fait du spectacle un lieu de grande communion et nous a éblouie.

Une cohésion due en grande partie aux musiciens accompagnateurs, qui ont soutenu la plupart des numéros : le fabuleux quatuor Esca aux cordes, Joseph Mihalcean à la guitare, Mathieu Sénécal à la basse, Robbie Kuster à la batterie, Alex Francœur aux vents, Joe Cayer au clavier et Éveline Rousseau à la harpe. Finalement, discret, assis en arrière, Connor Seidel a également été du spectacle, guitare à la main.

Ce concert, ce projet tout entier en fait, c’est lui. Connor a eu l’idée de réunir une dizaine d’artistes autour de la musique des années 1970 et a réalisé avec eux un disque de toute beauté. Samedi, les chansons ont pris vie sur scène, sous sa direction musicale, devant un MTelus rempli à guichets fermés. Matt Holubowski, quand ce fut son tour de monter sur scène, lui a rendu hommage, racontant qu’il était le tout premier à avoir cru en sa musique. « Sans Connor Seidel, il n’y a pas de Matt Holubowski. » Un rappel important, car peu connaissent son nom, même si beaucoup écoutent la musique sur laquelle il a travaillé, dont celle de tous ceux présents samedi.

Succession de bonheurs

Holubowski était le cinquième à se présenter sur scène. Au piano, seul, il a chanté The Burrow, puis s’est accompagné de sa guitare et des musiciens pour Vers la beauté (tirée de 1969).

Cette soirée était de celles qui ne cessent d’émerveiller, où chaque moment de musique vient enrichir le précédent, jusqu’à former un tout ravissant. Avant Matt Holubowski, Elliot Maginot (qui a interprété Provincetown puis Holy Father), les sœurs Boulay (Au doigt et Pleure pas pour moi), Jason Bajada (La grande ivresse et Crushed Grapes) et Claudia Bouvette (Post-Mortem et une reprise de Suzanne, de Leonard Cohen) ont eu leurs moments. Tous ont présenté un numéro fort, aussi unique que bien arrimé aux autres. Elliot Maginot a été absolument captivant, les sœurs Boulay ont misé sur leurs superbes voix et leur sensibilité, Claudia Bouvette a grandiosement chanté, accompagnée seulement de la harpiste Éveline Rousseau, et Jason Bajada a fait monter le tempo avec brio.

Les passages des artistes étaient entrecoupés de transitions où les musiciens accompagnateurs ont empli l’espace de l’élégante musique des interludes de l’album. Parfois, on prenait simplement le temps, en silence, d’installer le prochain numéro. Si les temps morts présentent le risque de faire retomber le momentum, les quelques secondes permettaient ici à l’enthousiasme de monter, dans l’anticipation du prochain invité.

La fébrilité de la foule a atteint son summum lorsque le trio chouchou des Montréalais, Half Moon Run, s’est présenté sur scène. Après l’ovation, le groupe a chanté trois morceaux, Fatal Line, Heartbeat (aperçu de leur album à venir), puis Grow Into Love.

Elisapie s’est ensuite présentée sur la plateforme surélevée à l’arrière-scène, un halo de lumière derrière elle lui conférant une prestance céleste, aussi divine que son interprétation d’Ullutamaat et d’Ikajunga.

Elliot Maginot, les sœurs Boulay et Claudia Bouvette ont assuré les chœurs durant plusieurs numéros de la soirée, puis ont de nouveau joint leurs forces en fin de spectacle pour reprendre Tu danses, Condessa, chanson de Safia Nolin sur l’album du collectif. Tout ce spectacle mettait de l’avant l’effort de groupe, l’addition des talents. On ne peut qu’imaginer le travail monumental que ce concert a exigé. Il n’a probablement d’égal que le ravissement d’avoir assisté à cette soirée. Le bruyant rappel a convié tous les artistes sur scène pour une ultime communion, sur une douce reprise du Petit Roi, de Jean-Pierre Ferland.

Il s’agissait fort probablement de la seule performance du collectif – réunir la moitié du groupe pour cette représentation relevait du petit miracle. Et quel moment d’anthologie ce fut ! Heureusement, la musique du collectif 1969 nous restera toujours.