C't'une fois l'histoire d'une fille... Son père a beau être garagiste, Laurie n'est cependant en rien une fan de «chars». Plutôt une jeune femme de livres. Elle les dévore, comme sa mère d'ailleurs qui travaille à la guérite de l'hôpital. Laurie est une sorte d'Amélie Poulain québécoise, le coeur sur la main, les bras grands ouverts, s'assurant que tout roule rondement autour d'elle.

Ce petit monde-là vit au pied de la pente douce à Québec. Laurie étudie et travaille comme serveuse dans un restaurant et dans un bingo. Elle s'occupe aussi de sa petite voisine poquée, Cindy, une fillette mal embouchée dont les parents sont «invisibles». Laurie lui fera faire le tour du monde sans jamais sortir de la maison. Une vie simple, des gens simples. 

«Quand on est de la basse-ville, on n'est pas de la haute-ville», chantait Sylvain Lelièvre. Dans ce roman, on sent presque les petits matins de café et de fumée d'usines du chantre de Québec. Il y a même des oiseaux qui se font la cour, Laurie et Romain, lui étant toutefois de la haute-ville. Un bel amour de jeunesse à la Roméo-et-Juliette-mais-qui-ne-finira-pas-mal.

Après Autopsie d'une femme plate l'an dernier, qu'on peut entrevoir comme une sorte de défi d'écriture, soit rendre amusant ce qui semble «plate», la plume de Marie-Renée Lavoie se libère des contraintes et explose dans son quatrième roman. Phrases courtes, rythme parfait. Il n'y a pas une seule page qui ne fait pas sourire ou carrément éclater de rire. 

L'enseignante de littérature n'est jamais très loin, non plus. Les références abondent, allant de Montesquieu aux Oiseaux se cachent pour mourir en passant par «le bruit des choses vivantes» d'Élise Turcotte. Mais encore une fois, sans aucune lourdeur et dans une totale maîtrise de la forme et du contenu. Dalida y côtoie Leonard Cohen et Ben E. King, Dali, Scarlett O'Hara. La matière est dense, mais coule de source dans le monologue intérieur de Laurie. 

La jeune femme n'est pas parfaite, certes, elle a ses faiblesses et ses sautes d'humeur. Laurie affiche un manque de confiance en elle tout à fait attachant et une intelligence vive qui, on n'en doute pas une seconde, la mènera loin. Oui, elle aime son char surnommé Petit cheval, mais c'est un véhicule comme un autre qui, dans le fond, ronronne au diapason de son imaginaire infatigable.

Pourtant, le roman débute et se termine avec une mort, le père d'une amie, puis la mère de Laurie. C'est la vie, le passage à l'âge adulte. Sans rien souligner au crayon gras, ce livre nous entretient de disparités sociales, de tolérance, d'amitié, du marché du travail, de féminisme au quotidien.

Un roman accessible et stylistiquement cohérent, charmant, parfois grave, mais sans pathos, beau comme l'âme du personnage principal. Marie-Renée Lavoie est passée maître dans l'art de nous faire tomber amoureux de ses personnages. Que demander de plus?

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Les chars meurent aussi. Marie-Renée Lavoie. XYZ. 244 pages.