Le western est un genre littéraire qui refuse de mourir, même si les grands paysages de l'Ouest américain (et canadien) ont perdu leur capacité à nous éblouir. Pourtant, grâce à Cormac McCarthy aux États-Unis et à Guy Vanderhaeghe au Canada anglais, les cowboys continuent à chevaucher vers le soleil couchant.

L'an passé, une brillante tentative de renouveler le western du sous-sol au grenier est arrivée sur la scène littéraire. Et, ma foi, c'est réussi. L'auteur s'appelle Patrick deWitt et il est né à Vancouver en 1975. On voit qu'il a bien étudié le film Pulp Fiction et d'autres bijoux du genre. La violence, omniprésente, est à la fois comique et dégoûtante. L'intrigue suit les méandres des deux frères Sisters, Eli et Charlie, comme ceux d'un long fleuve ivre. Les cadavres pleuvent, mais, étonnamment, il y a derrière tout cela un examen de conscience et la découverte que la violence, même pratiquée avec brio par deux tueurs à gages, rend l'homme plus vil que la plus vile des bêtes.

Nous sommes à Oregon City, en 1851. C'est la ruée vers l'or au sud, en Californie. Eli Sisters part avec son frère Charlie vers San Francisco pour tuer un homme. Cet homme est un voleur, paraît-il, qui a subtilisé une formule secrète à leur chef Commodore. Une autre mission, donc, pour les frères Sisters, artisans-tueurs.

Des Indiens méfiants, des filles de joie qui pèsent 100 kilos, un ours roux, des chercheurs d'or qui vivent comme des rats (et qui en mangent pour survivre), des gueules de bois monumentales chassées par d'autres brosses: le chemin n'est pas de tout repos. Ce qui nous porte pendant ce long voyage visant à mettre la main sur le voleur, qui s'appelle Warm, c'est la voix d'Eli Sisters, le plus sensible des deux frères - comparativement à Charlie, c'est un enfant de choeur. Puisque la route est longue, les deux ont tout le temps pour discuter et se disputer sur le sens de la famille. On voit bien que le dysfonctionnel a tout un passé: Charlie a tué son père puisqu'il battait sa mère, ce qui a brutalement mis fin à l'enfance des deux frères. Mère t'a aimé plus que moi, prétend Charlie. Non, c'est le contraire, affirme Eli. C'est une comédie familiale jouée en terre sauvage.

À San Francisco, les deux frères apprennent que Morris, qui devait les mener à Warm, s'est joint au présumé voleur. Ils apprennent par le journal intime de Morris que la formule secrète vise à séparer l'or plus facilement de l'eau des rivières, dans laquelle il se terre. L'appât du gain fait courir l'homme.

Et il le fait payer de sa peau, car la formule miraculeuse se révèle diablement toxique. La ruée vers l'or sera plutôt la ruée vers la mort. Les deux frères termineront finalement leur examen de conscience, mais de manière étonnante, car la vengeance guette chacune de leurs actions. Les frères Sisters se termine dans la désolation et, surprise, par le retour à la famille, source de toute violence. Une chevauchée pour coeurs solides.

 

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Les frères Sisters

Patrick deWitt

Traduit par Emma et Philippe Aronson

Alto, 401 pages.

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