La bande dessinée Une vie chinoise du Chinois Li Kunwu et du Français Philippe Otié a reçu un prix vendredi au Japon, un choix inattendu mais jugé rassurant dans le contexte politique sino-nippon actuel.

Ce Prix d'Excellence, décernée par un jury de cinq spécialistes du manga (dessinateurs, critiques, éditeurs) dans le cadre du 18e Japan Media Arts Festival, distingue cet essai graphique parmi quelque 763 oeuvres de différents pays proposées cette année.

Une vie chinoise, sortie au Japon en un volume regroupant les trois tomes publiés auparavant en français aux éditions Kana, raconte l'existence de Li Kunwu, de sa naissance en 1955 sous Mao en Chine, au boom économique de l'Empire du Milieu, en passant par ses années au service du Parti communiste.

L'illustration est l'oeuvre de cet ex-dessinateur de propagande en son pays, dont il revisite l'histoire sur la base d'un scénario coécrit avec Philippe Otié.

Alors que le Japon et la Chine sont actuellement en froid à cause de querelles historiques et territoriales, «cela fait plaisir de voir que des efforts sont faits pour s'affranchir de cette situation via la culture, ou bien pour prendre un positionnement autre», souligne Corinne Quentin, agent littéraire, qui s'est occupée de la cession des droits de ce titre.

«Symboliquement, je suis peut-être un pont entre la France et la Chine», déclarait Li Kunwu en février, invité alors du Festival international de la BD d'Angoulême. Avec ce prix, il devient aussi sinon un pont, du moins une passerelle culturelle entre la Chine et le Japon.

Selon Mme Quentin, japonophone qui réside depuis longtemps à Tokyo, le choix n'est pas anodin et l'éditeur japonais d'Une vie Chinoise, Akashi Shoten, est friand de bandes dessinées et essais qui font débat: «C'est lui aussi qui a publié au Japon la BD Broderies de Marjane Satrapi sur la condition des femmes en Iran et Un printemps à Tchernobyl d'Emmanuel Lepage», cite-elle en exemples.

«Même si le nombre de bandes dessinées en français traduites et publiées au Japon n'est pas important, cela fait plusieurs années qu'elles sont primées et c'est un signe très encourageant», se réjouit-elle.

Le prix d'Excellence est gratifié d'un certificat qui sera remis en février par le ministère japonais de la Culture, d'un trophée et d'une somme de 300 000 yens (environ 3000 $).