L'Onde Septimus, le 22e tome des aventures de Blake et Mortimer, sort vendredi en France, Belgique, Suisse et Canada avec un tirage de 500 000 exemplaires, soit le deuxième plus important de l'année pour une bande dessinée, après Astérix.

Ce lancement ambitieux confirme l'étonnant succès de cette série rétro, sans cesse réinventée par de nouveaux auteurs depuis la mort de son créateur, le Belge Edgar P. Jacobs en 1987.

Sans être ni jeunes ni beaux, sans faire craquer les femmes, Sir Francis Blake, le militaire, et Philip Mortimer, le professeur en physique nucléaire, «occupent une place de choix parmi les héros les plus populaires et reconnus de la BD», s'étonne Yves Schlirf, l'éditeur de la série.

«Ce succès repose sans doute sur la transmission entre générations: les albums sont lus par les grands-pères, qui ont grandi avec et les ont fait découvrir à leurs fils puis petits-fils», avance-t-il.

À cela s'ajoute l'attrait de l'ambiance «so British» que dégagent ces aventures qui plongent dans le Londres des années 1950, celui des clubs huppés, de l'espionnage et des expériences scientifiques osées.

Les amoureux du genre devraient être conquis par L'Onde Septimus car cet album retourne aux sources de La marque jaune, un album publié par Edgar P. Jacobs en 1956 et considéré comme «le chef d'oeuvre» de la série.

Blake et Mortimer doivent sauver le monde de la mégalomania de Jonathan Septimus, un scientifique qui cherche à maîtriser «l'Onde Mega» permettant de contrôler à distance la volonté de ses cobayes.

«Septimus incarne la figure éternelle du savant fou. Sa création lui échappe, comme dans le mythe de Frankenstein», explique le scénariste, le Belge Jean Dufaux.



Réinventé comme James Bond ou Batman


Les images les plus fortes de l'album sont celles où des dizaines de Septimus, dupliqués lorsque la machine s'est déréglée, hantent les docks sinistres de Londres plongés dans un brouillard poisseux. Ils avancent d'un pas mécanique, tout habillés de noir et un parapluie menaçant à la main.

«Dessiner Blake et Mortimer est pour moi un plaisir d'enfant», témoigne Etienne Schréder, l'un des deux dessinateurs avec Antoine Aubin. «Je retrouve la fascination pour cet univers qui m'avait tant séduit lorsque je le lisais dans le Journal de Tintin, à 10 ans», ajoute l'illustrateur, qui se rappelle avoir voulu devenir égyptologue à la lecture du Secret des Pyramides, l'un des albums phares d'Edgar P. Jacobs.

Le succès de «Blake et Mortimer» valide la stratégie de la maison d'édition Dargaud, propriétaire des personnages, qui avait décidé de poursuivre la série après la mort de Jacobs en la confiant à des scénaristes renommés (Jean Van Hamme, Yves Sente...) et à des dessinateurs expérimentés (Ted Benoît, André Juillard...).

«À l'instar de James Bond ou Batman au cinéma, la série n'est pas pétrifiée dans le temps: chacun à son tour, les nouveaux auteurs enrichissent son univers avec leur identité», souligne Jean Dufaux. «Les héros y gagnent souvent en humanité ce qu'ils perdent en force», ajoute-t-il, en donnant l'exemple d'Olrik, le «méchant» qu'il dépeint comme un être manipulé et fragile dans L'Onde Septimus.

Même si cela nécessite trois années de travail, créer une aventure de Blake et Mortimer est «un rêve» pour tout auteur de BD, reconnaît Jean Dufaux, l'un des scénaristes les plus prolifiques avec plus de 200 albums réalisés en 35 ans de carrière, dont les séries Murena, La Complainte des landes perdues ou Djinn.