«Je ne sais pas si le personnage de Normande Juneau est inspiré de moi, mais une chose est certaine: si c'est le cas, Yves Beauchemin se trompe sur toute la ligne.»

Entre vendredi soir et samedi matin, Nathalie Normandeau a lu Les empocheurs, le nouveau roman d'Yves Beauchemin qui est en librairie depuis jeudi. Le livre, inspiré librement des histoires de corruption qui ont fait les manchettes au Québec depuis plusieurs années, met entre autres en scène une ministre, Normande Juneau, «assez belle femme aux traits un peu anguleux mais racés, à la peau veloutée couleur de miel», qui a connu une ascension rapide au sein du gouvernement fictif de Jean-Philippe Labrèche.

Par le nom choisi tout comme pour son aspect physique, Normande Juneau fait beaucoup penser à l'ex-vice-première ministre Nathalie Normandeau. Comme l'auteur du Matou la décrit aussi comme une bête de sexe insatiable, dont la seule chose «plus ardente que son cul» est son ambition, nous avons voulu savoir ce que la principale intéressée en pensait. Même si, par ailleurs, Yves Beauchemin a affirmé en entrevue que Normande Juneau était un personnage fictif qui ne ressemblait en rien à Nathalie Normandeau.

«Yves Beauchemin prend soin de mettre une note en début de livre, qui dit qu'il s'est inspiré de la réalité, mais que les personnages demeurent fictifs. Je demande juste à le croire. Car non seulement j'ai trouvé vulgaire la façon dont il choisit de dépeindre le personnage, mais on est vraiment dans la caricature pure, dans les stéréotypes sur les femmes en politique qui ne devraient plus avoir leur place en 2016. Je trouve ça facile, très facile, trop facile.»

Elle déplore les clichés véhiculés par le personnage de Normande Juneau, qui jettent de l'ombre sur le travail et la compétence des politiciennes en général. 

«C'est très ordinaire, pas juste pour moi. D'un côté, il y a les hommes qui ont le pouvoir, et de l'autre côté, la femme qui, pour accéder au pouvoir, est dépeinte comme une bête de sexe au désir insatiable et inassouvi. C'est d'un ridicule consommé et, à la limite, c'est un manque de respect.»

La ministre finit quand même par tomber amoureuse et se faire tromper et voler, victime de ses sentiments. «C'est ça, on n'est que dans les stéréotypes et les lieux communs avec le personnage de Normande Juneau. Je trouve ça très dommage. Je vais m'arrêter là-dessus parce que... Je n'ai pas autre chose à dire.»

Si elle trouve triste qu'un auteur «de la trempe» d'Yves Beauchemin, dont elle respecte le travail, «continue de se confiner dans la caricature sans nuances qui ne correspond pas à la réalité», elle n'a pas l'intention de partir en guerre contre lui, ni de le poursuivre.

«À partir du moment où il nie qu'il s'est inspiré de moi, que puis-je faire?, dit-elle, estimant qu'elle n'a pas de temps à perdre avec ça. Et puis, je n'ai pas envie de lui faire de publicité. Je ne suis même pas certaine que je vais en parler à mon émission de radio.»

Aurait-elle préféré qu'il choisisse à tout le moins un autre nom pour son personnage? «C'est sa liberté d'auteur. Je ne peux pas le contester.» Quant à l'utilisation de son image, elle ne craint pas qu'on la confonde avec le personnage. «Je fais confiance à l'intelligence du lecteur. Comme Yves Beauchemin l'a écrit: ‟[...] les personnages et événements décrits dans ce roman sont fictifs".»

image fournie par québec amérique

Les Empocheurs, d'Yves Beauchemin