La romancière et poète Hélène Monette a été emportée le 25 juin par un cancer du poumon. L'annonce de son décès à l'âge de 55 ans a été reçue avec tristesse, et aussi avec un certain sentiment que son oeuvre, pourtant acclamée par la critique, n'aura pas, de son vivant, connu le rayonnement qu'elle aurait mérité.

Hélène Girard, qui fut son éditrice chez XYZ et aux Éditions du Boréal, nous parle de cette auteure et performeuse d'exception. À travers quatre titres pour la relire ou la découvrir, elle revient sur la vie et l'oeuvre d'une «indignée» qui, toujours, écrivait avec humanisme et compassion.

Unless, paru en 1995 chez Boréal

 «Ce roman qui ne ressemble à aucun autre est très montréalais. Unless, c'est le prénom du personnage d'une coursière à vélo, héroïne de ce roman inclassable, qui rappelle le monde de Réjean Ducharme. À l'époque, je lisais beaucoup de manuscrits de jeunes auteurs qui, dans la foulée d'Unless, s'inspiraient du travail d'Hélène. Elle ne faisait pas beaucoup de concessions, ni dans la vie ni dans l'écriture. Il y a aussi un certain humour dans ce roman, la présence de jeux de mots, d'un rythme à elle. Par contre, jamais elle ne donnait dans le cynisme: l'ironie, ça passait, mais le cynisme, non.»

Un jardin dans la nuit, paru en 2001 chez Boréal

 «Il s'agit vraiment d'une ode à l'enfance, son ouvrage dans lequel elle parle le plus des enfants, qui sont quand même très présents dans son oeuvre, tout comme le thème de la filiation. Il s'agit aussi d'un plaidoyer pour les livres et l'environnement, une préoccupation qui lui est restée chère par la suite.»

Thérèse pour joie et orchestre, paru en 2008 chez Boréal

Ce livre qui lui a valu le Prix du Gouverneur général est, selon Hélène Girard, l'un de ses plus beaux. «Il est d'un lyrisme extraordinaire. Dans ce livre, elle revient sur la maladie et la mort de sa soeur Thérèse, en 2005, de qui elle était très proche. Elle évoque leur enfance, avec des passages à arracher des larmes. C'est d'une immense beauté, tant pour l'écriture que pour ce qu'elle raconte et sa portée: elle a fait de la mort, de la maladie, quelque chose de sublime. C'est un très grand livre que je vais relire, à la lumière de son décès. Vers la fin, elle s'était isolée, ne voyait que très peu de gens. Je pense que s'il y a une expression qui peut définir Hélène Monette, c'est l'indignation. Elle était une rebelle, qui dénonçait le chaos et l'économie à tout prix. Plus elle avançait en âge et plus elle devenait lucide.»

Où irez-vous armés de chiffres?, paru en 2014 chez Boréal

 «Hélène Monette a toujours été la défenderesse des pauvres, des opprimés, des "pas de voix". Même si elle vient d'un milieu plutôt bourgeois, elle a elle-même été assez pauvre, par son choix de ne faire aucune concession, de vraiment vivre comme une artiste. Elle a fait des études, elle aurait pu être prof. Seulement, il fallait qu'elle écrive, qu'elle dessine, elle avait une oreille pour la musique, elle a fondé un magazine photo. Or, le sort des artistes étant de vivre de subventions et sur pas grand-chose, elle a dû trouver de petits boulots, a travaillé en librairie, dans le domaine de l'édition. Son dernier livre, Où irez-vous armés de chiffres?, elle l'a écrit après avoir occupé un emploi au palais de justice, une expérience qui a été désastreuse. Elle dénonce ce qu'elle a vu qui n'allait pas bien dans un monde sans humanité, parle de ce qu'on appelle maintenant le "capital humain". Il y est aussi question du harcèlement au travail et de la violence psychologique. Elle était très critique d'un monde fondé sur l'individualisme à outrance.»