En 1969, la mort du président nord-vietnamien Ho Chi Minh a été cachée au public pendant 24 heures. Il s'était éteint le 2 septembre, jour de la proclamation de l'indépendance en 1945, et les dirigeants communistes ne voulaient pas gâcher les célébrations.

La romancière Duong Thu Huong a imaginé un complot derrière ce silence. Dans son livre Au zénith, elle fait l'hypothèse que Ho Chi Minh était désabusé des dérives du Vietnam révolutionnaire, et qu'il a choisi de mourir un 2 septembre pour symboliser sa désapprobation.

 

Ce n'est pas la première fois qu'elle critique le gouvernement vietnamien. Depuis 1991, elle est officiellement ignorée par les autorités, qui l'ont alors emprisonnée puis lui ont retiré son passeport jusqu'en 2005. Duong Thu Huong vit maintenant à Paris.

Au zénith mélange deux histoires: celle du «président», isolé dans un monastère bouddhiste par ses anciens compagnons politiques devenus profiteurs de guerre, et celle de Quang, un vieil agriculteur prospère habitant le village voisin du monastère.

Tous deux ont en commun d'avoir trouvé sur le tard l'amour. Mais le président n'a pas pu en profiter, parce que son gouvernement trouvait cette relation entre un homme âgé et une jeune femme immorale, et a fait assassiner cette dernière. Le fermier Quang, lui, a réussi contre vents et marées à imposer sa jeune épouse, malgré l'hostilité des enfants qu'il a eus avec sa première épouse, décédée.

Très long, comme la plupart des romans de l'auteure vietnamienne, Au zénith trace à la fois un portrait touchant des traditions vietnamiennes, avec des expressions comme «les relations humaines sont comme un vêtement à boutons, on boutonne, on déboutonne», et une observation délicate des méandres des émotions humaines. Les relations conjugales difficiles du dernier ami du président, qui s'occupe du fils de ce dernier, sont très touchantes.

Le roman est beaucoup plus sympathique envers les hommes qu'avec les femmes. Cela tranche avec Terre des oublis et Itinéraire d'enfance, les deux précédents romans de Duong Thu Huong, qui relataient l'impuissance des jeunes femmes devant les hommes plus âgés qui décident d'en prendre possession comme une vulgaire marchandise.

La romancière elle-même a connu ce sort, ayant dû épouser un homme qu'elle n'aimait pas à la fin des années 60, après plusieurs années de militantisme artistique au Vietnam du Nord, notamment pour distraire les soldats au front. Elle n'a pu divorcer qu'en 1982.

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Au zénith

Duong Thu Huong

Sabie Wespieser Éditeur, 786 pages, 39,95$

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