Les Islandais sont sûrement parmi les mieux placés au monde pour constater les effets des changements climatiques sur l’environnement. Dans son nouveau roman, l’écrivaine Auður Ava Ólafsdóttir continue à nous en apprendre plus sur cette petite nation insulaire où rien n’est comme ailleurs, tout en exprimant, à travers son personnage, ses propres inquiétudes sur l’avenir de la planète ainsi que sur la survie de sa langue, qu’elle craint de voir disparaître.

Alba est une linguiste islandaise abonnée aux colloques internationaux où se retrouvent toutes sortes de spécialistes mondiaux de langues menacées d’extinction ou déjà éteintes. Une mordue des mots dont l’esprit peut s’arrêter sur un terme précis et vagabonder dans son étymologie au beau milieu d’une conversation.

Un jour, en rentrant chez elle, elle songe au nombre d’arbres qu’elle devrait planter pour compenser l’empreinte carbone de tous les trajets en avion qu’elle a effectués en un an : plus de 5000. Puis, au détour d’une marche à Reykjavik, l’annonce d’un terrain à vendre attire son attention par ses fautes d’orthographe et sa formulation inhabituelle. Sur un coup de tête, elle décide de l’acheter pour y planter des arbres.

Petit à petit, au beau milieu de cette lande déserte où elle observe les conséquences directes des dérèglements climatiques, elle met son plan en œuvre en suivant les conseils de son père et du voisin de celui-ci, un passionné du reboisement. Grâce à un marchand du village voisin un peu trop curieux et très bavard, elle commence parallèlement à donner des cours d’islandais aux réfugiés installés dans la région.

À sa façon, Alba entreprend de sauver son petit bout de planète et sa langue, nous offrant au passage quelques leçons d’islandais. Ces digressions linguistiques sont parfois déroutantes, mais elles réussissent néanmoins à piquer notre curiosité pour cette langue complexe, sans pour autant être proprement didactiques.

L’imaginaire unique d’Auður Ava Ólafsdóttir a également le luxe d’être porté par la traduction magistrale d’Éric Boury, spécialiste des langues scandinaves qui est parvenu à conserver sa voix française auparavant signée par Catherine Eyjólfsson.

À plusieurs reprises, au fil de la lecture, on risque de se dire qu’Éden ne fera peut-être pas partie des romans de l’écrivaine qui restent en mémoire comme L’embellie ou L’exception. Puis on arrive à cette finale magnifique, pleine d’espoir, où tout se lie soudain. « Nous sommes à chaque instant au centre de notre existence », écrit Auður Ava Ólafsdóttir, et l’expression prend alors tout son sens, comme pour nous rappeler que tout n’est pas encore perdu.

Éden

Éden

Zulma

256 pages

7,5/10