L’auteur de Sur la route n’était pas exactement le même lorsqu’il écrivait en anglais, la langue de son pays, que lorsqu’il écrivait en français, la langue de sa mère Gabrielle-Ange. « Cette langue dans laquelle Kerouac rêvait, cette langue dans laquelle il pleurait, c’était la même que moi, souligne Maxime Catellier. Moi aussi, je rêvais et je pleurais dans cette langue, même si j’écrivais dans une autre. »

Parler au quotidien un certain français, mais en utiliser un autre, plus policé, entre les pages de ses livres : tout écrivain québécois est naturellement disposé à comprendre la schizophrénie linguistique qui déchirait le bon Jack. C’est ce fossé que tente de franchir Maxime Catellier dans Jean dit, écrit dans un français d’une oralité tendrement rugueuse en janvier 2022, alors qu’était souligné le centenaire du romancier et poète américain.

Illuminations, sentences, pensées, jokes grasses et images remontées de l’enfance : ces « 111 poèmes pour Ti Jean Kérouac » empruntent au plus timoré des représentants de la Beat Generation sa souriante gravité, en de brefs textes révérencieux de celui qui les a inspirés, bien qu’en transcendant le simple registre de l’exercice de style.

Mais parce que les poètes ne se révèlent jamais autant que lorsqu’ils rendent hommage à ceux qu’ils admirent, Maxime Catellier finit inévitablement par nous en dire beaucoup à propos de sa conception de l’écriture et de la vie – y a-t-il réellement une différence entre les deux ?

« Si les souvenirs/étaient des mouches », observe-t-il dans ce qui pourra désormais lui servir d’art poétique, « je mettrais des pièges collants/partout au plafond/pis je les regarderais/se faire faire prisonnières/en prenant des p’tites gorgées/dans le nuage de ma tasse ».

Jean dit

Jean dit

L’Oie de Cravan

72 pages

8/10