En août 2021, la Française Lola Lafon a passé une nuit dans l’Annexe du Musée Anne Frank, à Amsterdam, afin d’écrire ce livre qui s’ajoute à la charmante collection Ma nuit au musée, de la maison d’édition Stock, et qui a remporté le prix Décembre et le prix du roman Les Inrockuptibles, à la fin d’octobre à Paris.

L’Annexe, ce sont ces quelques pièces exiguës où Anne Frank, sa famille et quatre autres personnes se sont terrées pendant 25 mois pour échapper aux nazis. L’autrice réfléchit à la peur et à l’angoisse dont ont été témoins ces murs. Elle revisite également des extraits du journal intime de l’adolescente dans les lieux mêmes où elle l’a rédigé.

Mais l’expérience ouvre une brèche dans son propre passé ; alors qu’elle passe la nuit à éviter la chambre d’Anne Frank, dans laquelle elle ne se résout pas à entrer en raison du sentiment diffus de troubler son intimité, elle plonge avec désarroi dans une histoire qui est aussi celle des siens. De ses grands-parents juifs qui ont fui la persécution en Europe de l’Est avant de finalement poser leurs bagages en France. De son enfance dans la Roumanie de Ceausescu. De tout ce qui a fait d’elle une trilingue « de partout », sans accent ni appartenance. On apprend ainsi la raison qui l’a poussée à choisir ce musée en particulier, et qui pèse sur sa conscience.

Le récit de cette nuit au musée et des préparatifs qui l’ont précédée est un ensemble émouvant de réflexions sur la mémoire collective et les souvenirs, ceux qu’on enfouit au plus profond de soi-même comme ceux que l’esprit déforme afin de vivre avec l’indicible.

En abordant un chapitre parmi les plus horribles de l’Histoire, allant jusqu’à explorer les suites de la publication du Journal d’Anne Frank et citer un grand nombre d’auteurs qui s’y sont attardés, y compris Philip Roth, Lola Lafon touche avec une grande sensibilité à cette délicate question de la rage que portent ceux qui sont restés et ceux qui sont venus « après ». « Le ravage, dans ma famille, s’est transmis comme ailleurs la couleur des yeux », écrit-elle.

Et c’est au moment où le livre prend une tournure tout à fait inattendue qu’elle conclut son récit, alors qu’on est encore sous le coup de l’émotion, avec des mots qui donnent la chair de poule et l’envie de replonger en plein cœur du texte.

Quand tu écouteras cette chanson

Quand tu écouteras cette chanson

Stock

249 pages

8/10