Augustino ou l’illumination est l’ultime chapitre du cycle Soifs de la grande Marie-Claire Blais, disparue en novembre dernier. Publié chez Boréal, ce long fragment sortira en librairie le 27 septembre. Il sera précédé d’un spectacle hommage en ouverture du Festival international de la littérature le 23 septembre.

Marie-Claire Blais écrivait toujours quand la mort est venue la faucher le 30 novembre dernier. Augustino ou l’illumination aurait été le 12e roman du cycle Soifs entamé en 1995.

Le personnage apparaît dans le quatrième titre de la série, Naissance de Rebecca à l’ère des tourments, mais lui et les autres continueront de vivre, comme leur créatrice, à travers les traductions ainsi qu’un lectorat toujours grandissant.

La dernière phrase du roman inachevé, « il était encore leur roi », sans point final, laisse place à interprétation. Comme si l’écrivaine nous faisait un dernier clin d’œil, invitant à la lecture ou à la relecture de Soifs, monument littéraire hors catégorie.

« La série Soifs est infinissable, tellement c’est en dialogue avec l’actualité. Il n’y avait que la mort pour arrêter Marie-Claire. C’est un très beau texte, notamment pour sa réflexion sur la mort et l’après-mort ainsi que sur la guerre, une idée prophétique si on pense à l’Ukraine », note son éditeur chez Boréal, Jean Bernier.

Il savait que l’écrivaine revenait ici sur la vie d’Augustino, écrivain adolescent à la Rimbaud, envolé par la suite en Inde pour aller aider les plus démunis. C’est avec l’accord de la famille de Marie-Claire Blais que Boréal a pu faire de ce livre son testament littéraire. Et quel testament !

« Le cycle Soifs parle beaucoup aux jeunes actuels parce que Marie-Claire Blais est en prise directe sur le monde, explique la professeure Élisabeth Nardout-Lafarge, à qui l’on doit la préface du livre. Je l’ai constaté dans le séminaire que j’ai donné et auquel elle a participé. Dans le livre, il y a une pandémie qui nous renvoie à ce qu’on vit avec la COVID, mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. »

« Visionnaire »

Dans ce roman, comme dans tout le cycle, la romancière s’intéresse aux exclus, aux marginaux, aux personnes racisées. Elle s’attaque aussi aux puissants, tel ce Grand Secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld pour ne pas le nommer.

Elle était visionnaire. Déjà dans le roman précédent, Petites cendres ou la capture, elle parlait d’une grave épidémie bien avant que le coronavirus surgisse. Le cycle Soifs nous donne l’impression d’avoir le monde devant nous. Il n’y a pas de distance entre le temps qu’on lit et celui qu’on vit.

Élisabeth Nardout-Lafarge, professeure au département des littératures de langue française de l’Université de Montréal

Les lecteurs attentifs conviendront que son dernier opus contient plus de ponctuation que la plupart des autres livres de Soifs. Ce qui n’enlève absolument rien au souffle imposant de l’autrice.

« C’est la première question que j’aurais posée à Marie-Claire si j’avais pu parce que ses phrases m’ont étonné, dit Jean Bernier. Tout ce que je peux dire, c’est qu’elle savait exactement ce qu’elle faisait en écrivant. Elle n’apportait pas de retouches à la ponctuation. »

Dans Augustino ou l’illumination, mis à part les personnages connus ou reconnaissables, il y a un « voyageur ordinaire » anonyme, témoin lui aussi d’horreurs. Dans ses mille voix, Marie-Claire Blais était, en fait, une voyageuse extraordinaire attentive à la condition humaine.

« Il y a un enchaînement de tous les malheurs, mais les destins des personnages ne sont jamais univoques, explique Mme Nardout-Lafarge. En français, je ne connais pas d’autres exemples de ce type d’entreprise littéraire. L’écriture de Soifs accompagnait le monde et sa survie. Tant qu’il y a de l’écriture, il y a de la vie. »

« Marie-Claire me disait souvent, poursuit Jean Bernier, que les gens ne retenaient que son propos politique et qu’ils oubliaient de parler de la musique, de la forme, parce que c’est de l’art qu’elle faisait. »

Elle est dans la grande tradition littéraire de Woolf, Proust, Faulkner en réconciliant la forme et le contenu. Elle bafoue les règles et ses personnages sont pétris de contradictions. Augustino est un portrait d’elle.

Jean Bernier, éditeur chez Boréal

« Un marqueur de son œuvre »

Le spectacle d’ouverture du Festival international de la littérature (FIL), L’écrivaine aux mille voix – hommage à Marie-Claire Blais, présentera des témoignages de Nicole Brossard, Robert Lalonde, Catherine Mavrikakis, Kevin Lambert, Christiane Teasdale et Audrée Wilhelmy. En outre, Florence Blain Mbaye, Marcel Pomerlo, Dominique Quesnel et Monique Spaziani liront des extraits dans une mise en lecture de Marika Lhoumeau.

La poète, théoricienne et romancière Nicole Brossard connaissait Marie-Claire Blais depuis 1975. Elle a pu visiter son amie l’hiver à Key West durant une quinzaine d’années.

« Cet hommage est comme un marqueur de son œuvre, de son être, de la littérature québécoise, de l’Amérique du Nord et du monde contemporain, croit-elle. Quand on la célèbre, on entre dans un temps spacieux et généreux des pouvoirs de la littérature, le pouvoir des mots et des personnages mêmes. Marie-Claire, c’est de la présence continue, face à l’écriture et à nous-mêmes. »

Augustino ou l’illumination sera en librairie le 27 septembre prochain.

Le spectacle L’écrivaine aux mille voix – hommage à Marie-Claire Blais ouvrira le 28e Festival international de la littérature le 23 septembre à la Grande Bibliothèque.

Augustino ou l’illumination

Augustino ou l’illumination

Boréal

96 pages

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