Elles avaient beau écrire un thriller politique où des attentats terroristes sèment la terreur dans le monde entier, leur collaboration a été meublée de fous rires. Louise Penny s’est entretenue avec nous de l’écriture d’État de terreur, son premier roman signé avec Hillary Clinton, dont la version française arrive en librairie ce mercredi.

« On s’est éclatées. Je ne peux pas vous décrire les fous rires qu’on a partagés, Hillary et moi, malgré le fait que c’est une histoire très effrayante », nous confie Louise Penny au bout de fil, de sa maison en Estrie.

L’intrigue qui se tisse dans État de terreur n’a assurément rien de drôle, en effet : c’est l’incarnation même du pire cauchemar d’Hillary Clinton lorsqu’elle occupait le poste de secrétaire d’État, de 2009 à 2013. Une explosion à Londres, puis à Paris, des messages codés qui en font redouter une troisième, tout ça alors qu’une nouvelle administration peine à s’installer à la Maison-Blanche dans le chaos laissé par l’ancienne... Rien n’est simple pour la nouvelle secrétaire d’État Ellen Adams, qui doit faire sa place dans ce contexte tout en cherchant à entrer dans les bonnes grâces du président.

Les deux auteures en profitent d’ailleurs pour aborder le regard qu’on porte sur les femmes en politique. « On a tous vu la pauvre Hillary Clinton donner un grand discours politique, et tout ce dont les gens parlaient ensuite, c’est ses chaussures, ses cheveux, le fait qu’elle avait l’air fatiguée... Toutes les femmes ont vécu une expérience du genre où elles se font juger sur leur apparence », souligne Louise Penny.

PHOTO FOURNIE PAR FLAMMARION QUÉBEC

Louise Penny et Hillary Clinton lors d’une rencontre dans les Cantons-de-l’Est, durant l’écriture du roman

L’humour à travers le suspense

Malgré l’« état de terreur » dans lequel on se trouve plongé très rapidement dans la lecture, des notes d’humour ont été parsemées ici et là et on s’amuse de certaines répliques bien senties. « Un peu comme quand on se retrouve dans une situation vraiment stressante et que quelqu’un dit ou fait quelque chose de drôle involontairement, s’exclame l’écrivaine. On voulait amener un peu de légèreté dans le livre ; on ne pouvait pas avoir une scène anxiogène après l’autre, ç’aurait été épuisant ! »

Et cette légèreté, à son avis, n’aurait pas été possible sans l’apport de son amie et coauteure.

C’est un aspect de la personnalité d’Hillary qui n’est pas de notoriété publique ; à moins de la connaître, on ne parle pas souvent du fait qu’elle est très drôle. Et elle adore rire d’elle-même.

Louise Penny, autrice

Elle se revoit sur sa chaise, en train de discuter avec Hillary Clinton sur FaceTime, à imaginer les personnalités – fictives – des chefs d’État étrangers qui ont trouvé leur place dans le roman. Puis, après les discussions virtuelles, venait le temps d’écrire pour Louise Penny, qui envoyait ensuite ses pages à son amie avant de passer aux chapitres suivants, et ainsi de suite. « Hillary a enlevé les “fuck” dans le livre au complet, ou presque. Le livre aurait été deux fois plus long si on avait laissé tous les “fuck” dedans », s’exclame-t-elle en riant.

On savait qu’on n’avait pas à [écrire ce livre]. Aucune de nous deux ne l’a fait pour l’argent ; aucune de nous deux n’avait besoin de publicité. On s’est embarquées là-dedans parce qu’on pensait que ce serait amusant. Elle a accompli beaucoup de choses dans sa vie, j’ai accompli beaucoup de choses dans la mienne, et on s’est dit : essayons de faire quelque chose de différent, mais seulement si c’est amusant. Alors on s’est arrangées pour que ça le soit.

Louise Penny, autrice

Et l’accueil a été tout aussi enthousiaste lorsque State of Terror a paru dans sa version originale en anglais, en octobre dernier.

« Hillary est la première à admettre qu’elle est une figure clivante aux États-Unis et on ne savait pas comment ça influencerait la réception du livre. Mais une bonne histoire finit toujours par triompher, j’imagine. »

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Louise Penny et Hillary Clinton lors d’une discussion durant l’écriture du roman

Une suite ?

Y aura-t-il une suite au thriller ou une prochaine collaboration avec son amie ? Les personnages d’État de terreur ont certainement le potentiel pour croître dans de nouvelles histoires, à son avis, mais il est encore trop tôt pour y songer. D’autant plus qu’elles seront sans doute bien occupées, entre-temps, puisqu’une entente vient d’être conclue pour adapter le livre au grand écran en leur accordant le rôle de productrices déléguées du film.

Après un automne chargé à faire la promotion du roman aux États-Unis, Louise Penny a eu besoin de retrouver le réconfort de Three Pines en compagnie de son enquêteur fétiche, Armand Gamache. Sa 18e enquête est déjà amorcée, mais ne lui demandez pas quand le livre sera prêt. « Je prends mon temps et je ne vais pas me mettre de pression. Je veux écrire avec joie et liberté et créativité, et ne pas penser à une date butoir. J’adore ça. J’ai tellement de plaisir à retrouver Gamache et Three Pines ! »

État de terreur

État de terreur

Flammarion Québec

528 pages (en librairie le 9 mars)