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Une vie sous le signe de la mort

  • Je suis toujours vivant, de Roberto Saviano et Asaf Hanuka

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    Je suis toujours vivant, de Roberto Saviano et Asaf Hanuka

  • Je suis toujours vivant, de Roberto Saviano et Asaf Hanuka

    IMAGE FOURNIE PAR GALLIMARD/STEINKIS

    Je suis toujours vivant, de Roberto Saviano et Asaf Hanuka

  • Je suis toujours vivant, de Roberto Saviano et Asaf Hanuka

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    Je suis toujours vivant, de Roberto Saviano et Asaf Hanuka

  • Je suis toujours vivant, de Roberto Saviano et Asaf Hanuka

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    Je suis toujours vivant, de Roberto Saviano et Asaf Hanuka

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Plus de 15 ans après la publication de Gomorra, enquête romanesque dans laquelle il faisait le portrait de la mafia napolitaine et de sa violence, Roberto Saviano est toujours condamné à vivre caché, sous protection policière, comme ce fut longtemps le cas de l’écrivain Salman Rushdie. Je suis toujours vivant raconte la vie qu’il est forcé de vivre à moitié hors du monde, coupé des siens, de son pays et de ce que tout le monde tient pour acquis : la liberté d’aller où on veut, quand on veut.

Enfant, Roberto Saviano a été témoin d’un meurtre commis par la Camorra : pourchassé par un individu armé, un homme s’est caché sous une voiture et s’est fait repérer parce qu’il s’est uriné dessus de peur. La scène, racontée au début de la bande dessinée, l’a hanté longtemps. « Je me suis alors juré que je ferais tout pour ne jamais avoir peur, ne jamais être une victime », écrit-il.

L’écrivain italien avait 26 ans quand il a écrit Gomorra, pour « éclairer les ombres » jetées par la mafia napolitaine sur la vie de sa ville et la « lumière aveuglante » de ce coin du monde qu’il appelle « sa terre ». Ce qu’il raconte est vrai : les faits, les lieux, les noms. Il a enquêté et publié le tout sous la forme d’un roman. Il ne se doutait pas qu’il allait toucher autant de lecteurs en Italie et ailleurs dans le monde. Il ne se doutait pas non plus qu’en étant lu par tellement de gens, que la Camorra ne pourrait pas ignorer ses révélations. Il en a rajouté en pointant, lors d’une rencontre en public, les parrains présents dans l’assistance.

Sa vie a basculé : il a commencé à recevoir des menaces de mort et, peu de temps après, des policiers l’attendaient sur le pas de sa porte. Il n’est plus jamais rentré chez lui.

Je suis toujours vivant est le témoignage d’un homme brisé, qui a le sentiment de vivre dans un aquarium, mais qui raconte surtout le combat d’un résistant. Avec un regard sensible, sans apitoiement et avec même une ironie teintée d’autodérision. Son histoire cruelle est brillamment mise en image par l’Israélien Asaf Hanuka, qui traduit avec un réalisme poétique la violence qui pèse et les rêves qui habitent encore l’écrivain.

Je suis toujours vivant

Je suis toujours vivant

Gallimard/Steinkis

144 pages

8/10

Leçon d’histoire

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La trilogie berlinoise – L’été de cristal

Philip Kerr a connu un immense succès avec sa Trilogie berlinoise, maintenant adaptée en bande dessinée par Pierre Boisserie (scénario) et François Warzala (dessin). Le dessinateur adopte une ligne claire précise, qui sans être époustouflante, campe fort bien le récit dans l’architecture et le monde des années 1930. Le scénariste, lui, tire habilement les fils complexes d’une intrigue qu’on suit sans peine et qui donne le sentiment d’avoir accès à l’essence de l’œuvre, même si on n’a pas lu les romans.

Ce n’est pas tant pour le côté polar qu’on lit la Trilogie berlinoise que pour sa toile de fond historique. Bernie Gunther, ancien inspecteur de police devenu détective privé, est embauché par un riche industriel pour élucider un vol, lié au meurtre de sa fille et de son gendre. L’affaire est intrigante dans la mesure où elle décrypte l’arbitraire du régime nazi et la corruption qu’il nourrit.

Bernie Gunther évolue dans cet univers d’hypocrisie où son franc-parler lui vaut le respect des uns et les menaces des autres. Il doit finasser, graisser des pattes et composer avec la Gestapo, elle aussi intéressée par l’affaire. Les conjoints assassinés ne seront pas les seuls morts qu’il croisera dans cette histoire sordide, mais fascinante dans sa peinture d’une époque et de la nature humaine : le détachement, la lâcheté et la fourberie sont en effet des modes de survie dans ces conditions extrêmes.

La trilogie berlinoise – L’été de cristal

La trilogie berlinoise – L’été de cristal

Les Arènes

128 pages

6/10

Eugène Tarpon, héros de BD

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Morgue pleine

Milieu des années 1970, Paris. Eugène Tarpon, détective privé, abuse de la bouteille pour oublier que ses affaires sont au point mort. Il est prêt à tout lâcher quand une femme — beauté fatale comme il se doit — se présente chez lui en pleine nuit. Cette visite l’entraînera dans une histoire de meurtre où Tarpon mettra plus que sa réputation en péril.

Tristan Manchette, fils du défunt écrivain français Jean-Patrick Manchette, s’est associé à Max Cabanes pour donner une deuxième vie à l’œuvre de son père. Déjà trois romans ont été adaptés en bandes dessinées au cours des 10 dernières années. Dans ce quatrième opus, l’intrigue touffue (voire bordélique) et les dialogues punchés sont magnifiquement servis par les dessins nerveux de Cabanes, ce dernier ayant réussi à capter l’essence des années 1970 avec moult détails. Seul hic : les bulles manuscrites qui compliquent inutilement la lecture.

Un polar qui emprunte tous les codes du genre (avec argot en prime) : c’en est presque rassurant !

Morgue pleine

Morgue pleine

Aire Libre

103 pages

6/10

L’Olympe au XXIe siècle

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Lore Olympus

L’autrice néo-zélandaise Rachel Smythe a choisi l’une des histoires d’amour les plus surprenantes de la mythologie grecque comme trame de fond de sa première bande dessinée. Heureuse idée ! Véritable phénomène sur la plateforme Webtoon, cette série publiée chaque semaine depuis 2018 est suivie par 5,5 millions d’abonnés et a été en lice pour de nombreux prix, dont un Eisner Award en 2019.

Or, voici que cette saga romantique entre Hadès, dieu des Enfers, et Perséphone, jeune déesse du printemps, est publiée en format papier (et dans la langue de Molière) par les éditions Hugo BD. Rachel Smythe a donné un sérieux coup de balai à la mythologie grecque pour lui donner un air résolument contemporain. Ici, les dieux communiquent avec leurs téléphones intelligents et conduisent des voitures sport. Ils s’aiment et se déchirent avec passion, sont consumés par la jalousie, se lient d’une amitié qu’ils jurent éternelle avant de se planter des couteaux dans le dos… Bref, ce qui se passe sur le mont Olympe n’est pas joli, joli, même si tout se déroule sur un fond dominé par le rose bonbon !

Une belle occasion de revisiter ses classiques mythologiques (et de découvrir ce phénomène de la littérature en ligne), même si le récit souffre parfois d’un manque de cohésion et de nuances.

Lore Olympus, volume 1

Lore Olympus, volume 1

Hugo BD

380 pages

5/10

Autres sorties

La part de l’ombre — Rendre justice

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La part de l’ombre — Rendre justice

Glénat

56 pages

Ce diptyque articulé autour de l’histoire vraie de Maurice Bavaud, condamné à mort en 1941 pour avoir tenté de tuer Hitler en 1938, trouve sa conclusion dans cet album foisonnant où l’action se déplace en 1955, en pleine guerre froide. Les efforts de la famille de Bavaud pour le réhabiliter seront-ils vains ?

À la maison des femmes

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Delcourt

196 pages

Cette bande dessinée documentaire se penche sur le destin des femmes hébergées à la Maison des femmes de Saint-Denis, refuge pour femmes violentées situé en périphérie de Paris. Le bédéiste Nicolas Wild a rencontré celles qui tiennent le projet à bout de bras. Un reportage dessiné très bien étoffé.