Bien qu’il ait en partie été écrit « durant une période de toxicomanie active », Pas besoin d’ennemis n’a rien de l’opacité caricaturale de certains textes pondus sous influence.

C’est avec une suffocante absence de lyrisme que Julien Guy-Béland témoigne dans ce roman autobiographique d’un quotidien qu’il tente de libérer de toutes les violences, réelles ou symboliques, qui le menottent à l’anxiété.

Examen d’une amitié toxique, portrait des relations tordues entre les employés d’un bar, auscultation des formes les plus insidieuses que revêt la masculinité toxique : ce deuxième livre est à la fois une condamnation des abus répétés auxquels les gens appartenant aux marges sont soumis, et un rappel que ces marges – ici, les milieux de la nuit et de la musique punk – ne sont pas non plus sans tourmenteurs.

Sur le plan formel, Julien Guy-Béland s’en remet notamment à l’outil de l’accumulation, dans une écriture télégraphique qui finit par hypnotiser quand elle énumère les substances et les états qu’elles induisent (un procédé cher au défunt Guillaume Dustan). L’écrivain prend le contre-pied d’une idée séduisante voulant que la littérature sauve des vies, un discours qui n’est peut-être pas entièrement faux, mais qui déverse sur les livres des responsabilités qui devraient être celles du filet social. « L’écriture n’est pas pour moi une activité libératrice. »

Cette mise à nu ne contribue pourtant pas à fétichiser les drogues, mais à déstigmatiser ceux qui en consomment, en plaçant face à ses contradictions une société qui peinent à offrir du soutien psychologique à qui en a besoin, mais qui ostracise quiconque faillit au plus important de ses devoirs de citoyen : être productif.

Pas besoin d’ennemis

Pas besoin d’ennemis

Héliotrope

156 pages

7/10