Avec la parution de son premier roman, Homo sapienne, publié en 2017 dans la collection fictions du Nord des Éditions La Peuplade, l’autrice Niviaq Korneliussen s’était révélée d’emblée comme la nouvelle ambassadrice de la jeunesse queer du Groenland. Voilà qu’avec La vallée des fleurs, elle continue de donner une voix à ceux qui n’en ont pas.

C’est dans cette langue crue et unique qui l’avait fait remarquer qu’elle explore à nouveau dans ce deuxième roman, avec profondeur et acuité, la question de l’identité, de ce que cela signifie d’être groenlandais et de vivre sous le joug d’une nation colonisatrice.

Solitaire, la narratrice se cherche une place où s’épanouir alors qu’elle ne se sent nulle part chez elle. Elle déteste son foyer et pleure sa grand-mère qui lui manque affreusement. Impatiente de quitter la maison de ses parents, mais déchirée par le fait de laisser son amoureuse derrière elle, elle se rend au Danemark pour étudier l’anthropologie et y trouve sa « grotte ». Une fois sur place, le décalage est frappant : elle se heurte rapidement aux préjugés des Danois envers les Groenlandais et échoue à se lier avec ses camarades d’études.

Pendant ce temps, une vague de suicides déferle sur son pays natal. Ils ont 15 ans, 56 ans, 27 ans, 48 ans… Des hommes, des femmes. Tout le monde connaît quelqu’un qui s’est suicidé au Groenland. Lorsque la cousine de son amoureuse se donne la mort à 17 ans, elle retourne chez elle précipitamment pour être à son côté. Impuissante devant le malheur de la famille, elle se met à fouiller pour tenter de cerner l’ampleur de cette catastrophe sociale et découvre qu’il n’y a pas plus de chiffres sur la question que de ressources. Rien qu’une nation abandonnée à elle-même. « Pour les jeunes au Groenland, le suicide est devenu une culture », écrit un journal danois dans le seul article sur la question qu’elle réussit à trouver sur l’internet.

Son propre mal-être finit par la pousser à partir de nouveau. De retour au Danemark, elle cherche un lieu où elle pourrait vivre en paix avec elle-même. Et là, à l’image des siens, elle sombre dans la noirceur. Niviaq Korneliussen construit un roman contemporain et puissant qui fait écho aux déchirements de tous les peuples autochtones du Nord et qui vient réaffirmer l’importance de la littérature pour reprendre le contrôle de sa destinée et de son territoire.

La vallée des fleurs

La vallée des fleurs

La Peuplade

384 pages

8/10