Il y a trois ans, un éditeur a suggéré à l’ancien astronaute canadien Chris Hadfield d’écrire un roman à suspense. « Ça pourrait s’appeler The Apollo Murders, ce serait vraiment cool », avait-il lancé.

Il venait alors d’écrire une introduction pour une réédition des Chroniques martiennes de l’auteur américain de science-fiction Ray Bradbury.

« En voyant cela, mon éditeur britannique était persuadé que je pouvais écrire un thriller », raconte Chris Hadfield en entrevue téléphonique. « Sauf que je ne savais pas du tout comment faire et que je ne voyais pas où je trouverais le temps pour le faire. »

Depuis son retour sur Terre, en 2013, après cinq mois à bord de la Station spatiale internationale, l’astronaute a raccroché sa combinaison spatiale, écrit un essai et un livre pour enfants et parcouru le monde pour donner des conférences.

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Chris Hadfield dans la Station spatiale internationale

La pandémie a toutefois mis un frein à ces tournées, et Chris Hadfield a décidé de relever le défi lancé par son éditeur.

« Comme tout ce que j’ai fait dans la vie, je me suis fixé un objectif. J’ai établi la marche à suivre, étudié, lu les livres d’écrivains que je respectais vraiment, d’Arthur Conan Doyle jusqu’à certains auteurs contemporains, je me suis exercé. »

Mission militaire

Chris Hadfield s’est donné une discipline de fer : lever à 6 h, exercice, puis écriture jusqu’à 13 h. Le tout, sept jours sur sept. Il s’est inspiré du titre suggéré par l’éditeur pour créer son intrigue.

« Comme on parlait des missions Apollo, il fallait que ça se passe entre 1963 et 1973. Et comme le mot murders [meurtres] était au pluriel, il fallait que je tue au moins deux personnes. Il fallait donc trouver quelque chose dans le programme spatial qui justifie ces meurtres. »

La course à l’espace à l’époque de la guerre froide constituait donc le cadre idéal pour une telle intrigue. Dans le roman de Chris Hadfield, le gouvernement américain confie une mission militaire à l’équipage d’Apollo 18 : saboter une station spatiale soviétique qui a été lancée en orbite pour espionner les États-Unis.

Mais voilà, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des romans à sensations se déroulant à cette époque, les Américains ne sont pas nécessairement les bons, et les Soviétiques, les méchants, dans Apollo, mission meurtrière.

« Les Américains ne sont pas toujours les bons dans la vraie vie, rappelle Chris Hadfield. Ils ont une histoire en dents de scie en ce qui concerne leurs interventions militaires et leurs décisions politiques. J’ai vécu 21 ans aux États-Unis et 5 ans en Russie : ça m’a donné une bonne idée des forces et des faiblesses des deux systèmes. »

C’est ainsi qu’il fait de la cosmonaute soviétique Svetlana Gromova une véritable dure à cuire qui doit faire face à des circonstances particulièrement difficiles.

Le commandant de la mission Apollo 18, l’Américain Chad Miller, est plus difficile à cerner. S’il est simplement antipathique au départ, son personnage devient de plus en plus sombre au fil des pages.

« Dans les années 1960, le programme spatial avait besoin de pilotes d’essai incroyablement compétents d’un point de vue technologique, explique-t-il. Vous n’aviez pas besoin d’être sympathique, vous n’aviez pas besoin de bien vous entendre avec les autres. »

Le type de caractéristiques alors recherchées pouvait attirer des gens à la limite psychotiques. « Si vous êtes très intelligent, vous pouvez savoir comment donner les bonnes réponses aux tests psychologiques et passer ainsi au travers des mailles du filet. »

Chris Hadfield évoque l’exemple du commandant de la base de Trenton, le colonel Russell Williams, qui s’est révélé un violeur et un tueur en série. « Il allait travailler tous les jours et il fonctionnait bien. Personne n’a jamais rien remarqué. »

Spécialiste de l’espace

Si l’apprentissage de l’écriture a été un peu ardu, ça n’a pas été le cas pour la recherche sur le contenu.

« Je suis dans une position enviable, explique l’ancien astronaute. Je n’ai pas à m’inquiéter au sujet de l’exactitude de ce que j’écris : j’ai passé tellement de temps dans l’espace. Et lorsque je ne peux pas répondre à la question moi-même ou que l’information ne se trouve pas en ligne, j’ai juste à passer un coup de fil aux gars qui ont marché sur la Lune ou aux gens qui ont géré le programme Apollo de la Terre. »

D’ailleurs, l’intrigue se prêterait particulièrement bien à une adaptation cinématographique. « Ce serait le fun qu’on en fasse un film, mais je ne voudrais pas qu’on en fasse un mauvais film, quelque chose comme Armageddon », souligne Chris Hadfield.

En outre, il travaille sur un autre roman à suspense, qui reprendrait l’un des personnages principaux d’Apollo, mission meurtrière, Kaz Zemeckis, l’agent de liaison dépêché par la US Navy auprès de la NASA pour la mission Apollo 18.

« J’ai regardé ce qu’ont fait les autres auteurs pour créer un personnage récurrent. Ça nécessite un certain type d’emploi pour qu’il puisse passer d’un livre à l’autre. »

L’ancien astronaute n’a pas voulu révéler le thème du prochain roman, mais a indiqué que certains passages d’Apollo, mission meurtrière menaient naturellement à cette nouvelle intrigue. Il y a un autre indice : Chris Hadfield accorde son entrevue téléphonique de Las Vegas parce qu’il doit procéder à des recherches dans cette région.

Or, c’est au Nevada que se trouve la Zone 51, fameuse base militaire ultrasecrète où sont testés des appareils expérimentaux, base qui se trouve au cœur de bien des théories ufologiques.

Apollo, mission meurtrière

Apollo, mission meurtrière

Libre expression

633 pages

7/10