Après Pieds nus dans la gravelle, son premier roman, Maude Michaud retrouve, dans Le cœur pendu, son héroïne là où elle l’avait laissée, habitée par la souffrance d’avoir perdu l’amour de sa vie et sa fille à naître dans un cruel accident de voiture. Discussion sur le deuil, la résilience et le déchirement de la garde partagée.

« Le monde tourne. J’essaie de tourner en même temps que lui, je te jure. Le problème, c’est que les bouttes qui vont bien attendent juste de se souvenir de toi pour aller mal. »

Deux ans après la mort de Rémy, l’héroïne de Maude Michaud nage toujours entre deux eaux. Pieds nus dans la gravelle n’avait pas la fin heureuse et sa suite, Le cœur pendu, ne s’ouvre pas sous le signe de l’arc-en-ciel. Mais, peu à peu, on sent poindre les jours meilleurs.

Lorsqu’elle a terminé l’écriture de son premier roman, paru l’an dernier, Maude Michaud avait le sentiment qu’il devait y avoir une suite. « Je voulais amener de l’espoir, souligne celle qui est aussi la fondatrice du blogue La parfaite maman cinglante. À travers le premier, qui est relativement sombre, il y a quand même beaucoup de touches de lumière, beaucoup de touches de doux à travers le noir, mais pas tant que ça. Avec mon blogue et dans mes discussions avec les gens, je suis beaucoup dans le call-to-action, et j’aimais l’idée de pouvoir amener les lecteurs dans cette direction. L’héroïne dans cette deuxième partie, elle prend des décisions, elle essaie des choses, elle fait des choix pour pouvoir aller de l’avant, même si elle rencontre plusieurs obstacles. Je pense que c’est la meilleure façon de vivre mieux, peu importe ce qui nous arrive. »

IMAGE FOURNIE PAR LIBRE EXPRESSION

Le cœur pendu, de Maude Michaud, chez Libre Expression, 216 pages

La lourdeur du deuil

Au fil des pages de ces deux tomes, on sent la lourdeur du deuil. L’intention de Maude Michaud était a priori d’aborder le deuil périnatal. Elle s’est d’ailleurs, pour Pieds nus dans la gravelle, entretenue avec plusieurs femmes ayant traversé cette épreuve. Ayant vu une personne de son entourage perdre son conjoint à un jeune âge, elle a décidé d’explorer aussi le deuil d’un grand amour.

Je n’ai pas vécu de deuil d’une personne aussi près de moi, mais en ayant parlé avec une proche et beaucoup de gens, je pense qu’on fait le deuil d’un proche qui meurt jusqu’à un certain point, mais il y a une partie de nous qui n’en fait jamais le deuil. C’est quelque chose que je voulais voir transpirer dans cette histoire. Mais, il y a une acceptation.

Maude Michaud

Un peu comme le lecteur qui pourrait être tenté de dire à l’héroïne qu’il est temps de passer à autre chose, nous avons souvent tendance à banaliser la souffrance du deuil chez les autres, croit Maude Michaud. « Parce que ce n’est pas la mort de quelqu’un près de nous, on est triste pour la personne, mais après, notre sentiment s’en va. On passe à autre chose et on pense que la personne, avec un peu plus de temps, va faire comme nous. Ce n’est pas du tout le même processus. »

Alors que, dans son premier roman, Maude Michaud a exploré des thèmes qui n’étaient pas intimement liés à elle, elle a décidé cette fois d’aborder des sujets la touchant de plus près. La protagoniste et narratrice, à qui la vie ne semble accorder aucun répit, reçoit un diagnostic de cancer du col de l’utérus, un choc qui a frappé l’autrice en octobre dernier alors qu’on lui a trouvé des lésions précancéreuses pour lesquelles elle est suivie tous les six mois. « Je venais de commencer à écrire mon livre quand c’est arrivé, raconte-t-elle. C’est un peu devenu mon exutoire. Ça m’a permis de mieux me comprendre et, pour mes proches qui l’ont lu, de mieux comprendre comment je vivais les choses. »

La garde partagée, et le grand déchirement qui l’accompagne, est un autre thème qui rejoint sa réalité et dont elle souhaitait parler. « J’avais envie de dire que c’est possible de vivre au-delà de ça, mais c’est terrible. Je me souviens beaucoup du moment où j’envisageais de me séparer. Chaque fois que j’y pensais, je perdais complètement mes repères. C’est impensable pour une maman qui a ses enfants à temps plein de manquer la moitié de leur vie. »

Maude Michaud avoue avoir beaucoup pleuré lors de l’écriture de son premier roman en pensant à l’histoire des autres. Cette fois, c’est son histoire à elle qui lui a fait verser des larmes.

Le cœur pendu, de Maude Michaud, chez Libre Expression, 216 pages.