La presse italienne l'a surnommée «l'Elena Ferrante de Bari». Son roman Une famille comme il faut, qui vient de paraître en français, a été vendu dans 17 pays et sera bientôt porté au grand écran. Rosa Ventrella pourrait bien devenir la nouvelle auteure italienne à suivre grâce à ce titre, largement autobiographique, qui fait revivre un quartier pauvre et gangréné par la violence du sud-est de l'Italie.

Troisième roman de Rosa Ventrella, premier traduit, Une famille comme il faut raconte l'enfance miséreuse et l'adolescence de Maria de Santis au coeur de la vieille ville de Bari, dans les années 80.

«C'est un monde plutôt dur et cru qui est dépeint dans le roman. Très éloigné de l'Italie des cartes postales et de l'image touristique qu'on peut avoir du sud de l'Italie, colorée et vivace. C'est un Sud très amer, qui correspond à celui que j'ai connu pendant mon enfance», confie l'auteure au bout du fil.

À 9 ans, son alter ego rêve déjà d'une autre vie. Sa réussite scolaire lui permet de poursuivre ses études dans une école à l'extérieur de son quartier et d'entrevoir un destin différent de celui de sa mère, femme au foyer sans instruction, mariée à un pêcheur sans le sou et violent. Un père qui représente parfaitement l'homme méridional typique de ces années, admet Rosa Ventrella. Craint par ses enfants pour ses colères noires, et pris au piège d'un engrenage incontrôlable «où la violence était juste, légitime et même héroïque», écrit-elle.

«Dans certains quartiers du sud de l'Italie, jusqu'à la fin des années 80, la violence faisait tellement partie de la vie de tous les jours que chaque famille trempait dedans.»

Paradoxalement, il suffisait de faire «50 pas» pour atterrir dans un autre monde.

«Le quartier historique de Bari est longtemps resté ségrégué, un microcosme dans une ville moderne, où la violence régnait en maître.» Très semblable, ajoute-t-elle, à certains quartiers de Naples qu'on retrouve notamment dans les romans de Roberto Saviano ou d'Elena Ferrante.

Interrogée sur les comparaisons inévitables entre son roman et la saga d'Elena Ferrante, Rosa Ventrella ne dissimule pas son malaise.

«Elena Ferrante a le mérite d'avoir exporté dans le monde le courant néoréaliste de la littérature contemporaine italienne. Mais beaucoup d'auteurs - comme l'écrivain calabrais Carmine Abate - racontent cette réalité sociale commune au sud de l'Italie», affirme-t-elle.

Leurs protagonistes évoluent dans des contextes similaires, et l'éducation est leur tremplin pour s'extraire de leur condition sociale. Mais Ventrella dit avoir avant tout cherché à raconter l'histoire d'une relation complexe entre une fille et son père. Puis, son roman s'est petit à petit fait l'écho du vieux quartier de Bari. Un milieu «décadent» où les superstitions nourrissent les peurs, où les vieilles rancunes entretiennent les querelles sur des décennies. Et où, encore aujourd'hui, Rosa Ventrella est convaincue que l'éducation reste le seul moyen de s'en sortir.

Même si le niveau d'instruction demeure toujours très bas chez les jeunes, le quartier n'est plus ce qu'il était depuis une dizaine d'années, note-t-elle. «C'est devenu un secteur touristique grâce à la volonté des autorités de nettoyer le centre historique. Avant, les étrangers ne pouvaient même pas y mettre les pieds.»

L'écrivaine, qui vit depuis 20 ans dans le nord de l'Italie, retourne fréquemment dans sa ville natale - dans la réalité comme dans l'imaginaire, mais toujours avec nostalgie.

«C'est ma terre, je l'ai dans le coeur. Mais le fait de vivre loin d'elle me permet probablement de la voir avec une loupe plus facilement que si j'y vivais encore, parce que j'arrive à discerner autant ses côtés positifs que ses aspects négatifs, et à tous les réunir.»

Son prochain roman, qui sort en avril en italien, et peut-être en français, souhaite-t-elle, nous plongera à nouveau dans le Sud de son enfance.

Une famille comme il faut. Rosa Ventrella. Les Escales. 320 pages.

IMAGE FOURNIE PAR LES ESCALES

Une famille comme il faut, de Rosa Ventrella