À quelques jours de la présentation au MTelus de la troisième édition de son happening Tommy & Friends, l’humoriste Tommy Néron, cité dans la catégorie Découverte au prochain Gala Les Olivier, raconte les efforts lui ayant permis de manger autre chose que juste des bagels.

« La faim pour un humoriste, c’est la qualité numéro un », lance Tommy Néron, une conviction qu’il n’entend pas qu’au figuré. C’est que longtemps, la recrue du rire a dû se satisfaire de l’article le moins coûteux sur le menu. « J’ai souvent dit à Charles Brunet [camarade de la relève] que j’avais hâte de manger autre chose qu’un bagel. Quand c’est ça, ton objectif, c’est facile d’être de bonne humeur. »

S’il n’a pas encore le portefeuille lui permettant de visiter les grandes tables, Tommy Néron est assurément de bonne humeur, et pas que parce qu’il peut désormais se sustenter à la hauteur de son appétit. Parmi ses raisons de se réjouir : à l’automne 2022, il a rempli le Club Soda avec la première édition de sa soirée Tommy & Friends, puis récidivé en janvier 2023, mais cette fois-ci au MTelus. Il a décroché il y a deux semaines sa première nomination au Gala Les Olivier, dans la catégorie Découverte de l’année.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Tommy Néron

Puis son récent passage à Tout le monde en parle, ainsi que de savoureuses blagues envoyées à l’éternel revenant Denis Coderre et à l’homme d’affaires Luc Poirier, l’a fait connaître d’un public qui ne compte pas forcément parmi ses 128 000 abonnés sur TikTok, un petit prix à payer pour tous ceux qui, sur les réseaux sociaux, l’ont traité de jeune insolent.

« J’ai eu du hate parce que j’ai une tuque, des lunettes, que je suis dans la vingtaine et que j’ai parlé à un monsieur riche et à un politicien comme je parle à tout le monde », croit celui qui, aux nombreux inconvenants qui lui annoncent en messagerie privée qu’il a ruiné sa carrière, pourrait répliquer qu’au contraire, le téléphone de son agent a beaucoup sonné à la suite de son passage chez Guy A. « Le monde sur l’internet est rendu fâché. Beaucoup, tout le temps. » Il sourit. « Mais je ne pense pas, non, que ma carrière soit finie. »

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Tommy Néron

Un gars de région dans la cité

Tommy Néron, 26 ans, n’est ironiquement pas un humoriste tirant sa matière première dans le politique, mais plutôt un observateur aimant souvent à surjouer l’accablement d’un gars de région face à certaines incongruités de la vie citadine. « Mon personnage de scène, c’est beaucoup mon père qui se fâche en lisant quelque chose dans le journal », explique le natif de Saint-Bruno, une municipalité d’environ 3000 âmes du Lac-Saint-Jean.

Son premier spectacle, mis en scène par Laurent Paquin et « script édité » par Korine Côté, puisera aussi dans des sujets plus sérieux, comme la pauvreté, le divorce et la mort, tout en évitant la béquille, promet Tommy, du « numéro touchant », l’humoriste idéal étant pour lui un funambule avançant sur un mince fil, quelque part entre réelle vulnérabilité et imperturbable efficacité.

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Tommy Néron

C’est afin d’être caméraman à RDS que celui qui consommait déjà voracement des balados d’humour a déménagé dans la métropole en 2017. Il a été aimanté, trois mois plus tard, par la soirée micro ouvert du Bordel comédie club. Rien ne serait plus jamais pareil.

« J’ai toujours été conscient qu’on a juste une vie à vivre », confie le cadet d’une famille de trois, qui a failli mourir à sa naissance, au point où il a été baptisé le 3 juillet 1997, deux jours après son arrivée sur Terre, afin de ne pas risquer d’aboutir dans les limbes.

Mais ma conscience qu’on a juste une vie à vivre vient surtout du fait que j’ai tellement côtoyé de gens qui, pour des raisons compréhensibles, restaient dans des jobs qui les rendaient malheureux. Mon père travaillait sur l’asphalte et, quand il rentrait, il était rarement de bonne humeur. Le moment où il était heureux, c’est quand il racontait à ma tante la joke qu’il avait envoyée au boss.

Tommy Néron

Réalises-tu ?

Même si cette première fois au Bordel se sera bien déroulée, la suite aura été marquée par plusieurs revers, dont un refus à l’École nationale de l’humour (dont il a été diplômé en 2022), puis deux autres à l’émission de Noovo Le prochain stand-up. « Au deuxième refus, je me sentais partir dans l’amertume. Mais c’est plus facile de se plaindre que de se demander : qu’est-ce que je peux faire ? »

PHOTO PHILIPPE LE BOURDAIS, FOURNIE PAR L’ARTISTE

Tommy Néron sur scène

Que Tommy Néron pouvait-il faire ? Investir TikTok, où il s’est astreint pendant deux ans à une routine d’une vidéo par jour, une école en soi. C’est là qu’il fédérera un public fidèle, qui lui aura permis de remplir le MTelus sans être passé à la télé, sans être apparu dans les journaux et sans avoir acheté une cenne de publicité, pas un mince exploit dans le merveilleux monde de l’humour où une telle ascension supposait jadis des budgets équivalents à plusieurs douzaines de bagels.

« Ce soir-là, Phil Roy m’a demandé : “Est-ce que tu réalises comment c’est dur, vendre des billets ? Réalises-tu ce que tu viens d’accomplir ?” Et la vérité, c’est que non, je ne le réalisais pas du tout. »

Tommy & Friends 3, le 10 février, au MTelus

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