Réflexions, anecdotes, confidences : les riches entretiens de la série balado Juste entre toi et moi sont autant d’occasions d’entendre des personnalités médiatiques et culturelles ouvrir leur cœur et déployer leur pensée.

« Just be Garry. » Cette phrase, l’humoriste américain Garry Shandling en ponctuait chacune des pages de ses cahiers de notes. Et Jay Du Temple, lui aussi, l’écrit partout dans ses cahiers. Pas « Just Be Jay ». « Just Be Garry. »

« Ça veut dire sois toi-même, évidemment. C’est une phrase que je me répète souvent », confie l’humoriste de 32 ans. « Et oui, en joke, j’écris encore ‟Just Be Garry”. »

Apprendre à être lui-même, sans tenter de constamment offrir ce qu’il s’imagine que les autres espèrent de lui : telle est la quête qui anime Jay Du Temple dans la vie comme dans son deuxième spectacle, Fin.

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C’est que sous son grand sourire de gamin, Jay Du Temple est un volcan en dormance d’angoisses et de questions. Il confie, en riant même si ce n’est pas si drôle, avoir accueilli de nouveau dans sa vie l’eczéma depuis qu’il sait qu’il animera le 10 décembre le gala Québec Cinéma, qui avait bien failli être tabletté pour toujours. « C’est un contexte idéal parce que les attentes sont basses, dit Jay à moitié à la blague. Il a failli ne plus jamais y en avoir, de gala. Ça enlève de la pression. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Jay Du Temple

Le grand paradoxe qui l’habite, il le sait lui-même, tient à ce que personne ne semble aussi inquiet que lui que son ego prenne un jour des proportions stratosphériques, mais qu’il est, de tout le showbiz québécois, une des personnes les moins guettées par ce danger. Jay Du Temple étant l’exemple même de ce qu’il convient d’appeler un « vrai fin », qui offre peu de prises pour qu’on le déteste (à moins que le vernis à ongles soit chez vous matière à détestation).

J’ai l’air de quelqu’un de très assumé dans mes looks, mais dans certains aspects de ma personnalité, je ne le suis pas du tout. Et malgré tout, je pratique ce métier. C’est comme contre-intuitif pour quelqu’un qui veut donc ben plaire à tout le monde de devoir faire la paix avec le fait qu’il va déplaire à plein de monde, tout le temps.

Jay Du Temple

Le meilleur en avant

Cet entretien, je l’avais imaginé sans évocation des six années de Jay à la barre de la populaire téléréalité Occupation double, ce qui n’aura pas été entièrement possible, même si c’est le Jay Du Temple disciple de la chose comique et éternel élève des maîtres du drôle qui en ressort le plus.

L’humoriste n’a jamais l’œil aussi pétillant que lorsqu’il parle du courage que lui insufflent les performances sur le fil du rasoir de Jerrod Carmichael, de son admiration pour le plus récent spectacle de Mike Birbiglia (The Old Man and The Pool), qui l’a chaviré, ou de son rêve d’un jour rencontrer Yvon Deschamps.

« Ce que je trouve fascinant, c’est que oui, ce qui fait qu’il est Yvon Deschamps, c’est la qualité de son écriture, mais c’est surtout l’humain qu’il est », observe-t-il au sujet du père de l’humour québécois, une phrase qui semble aussi encapsuler ses propres aspirations.

Et même si son rôle d’animateur aura parfois fait de l’ombre à celui d’humoriste, son identité première demeure celle de chercheur de blagues. Sa tournée est loin d’être terminée, mais il présente déjà dans de petites salles des spectacles de crowd work, basés sur ses interactions avec la foule, afin de générer du nouveau matériel.

Le stand-up, pratique spirituelle ? que je demande, en assumant l’hyperbole. « Oui, vraiment », répond celui qui affectionne particulièrement les artistes qui se mettent à nu sur scène, qui jouent leur va-tout.

C’est que c’est un puits sans fond, le comique. C’est comme si, au départ, je m’accrochais à toutes mes meilleures jokes, comme si chaque fois, j’avais trouvé un diamant à collectionner. À un moment donné, j’ai réalisé que si je creusais, j’allais continuer d’en trouver. Le meilleur matériel est en avant.

Jay Du Temple

Rumeurs sur la ville

C’est lors d’un de ces récents spectacles de crowd work que Jay démentait une rumeur étrange colportée par certains sites à potins au lendemain de son passage à Tout le monde en parle. Dans son cou, ce dimanche-là : une marque rosacée ayant toutes les apparences d’une sucette, sur la base de laquelle certains de ces sites avaient conclu, selon la formule consacrée, que le cœur du garçon n’était plus à prendre.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Jay Du Temple en entretien

La véritable responsable de cette sucette était, en réalité, la combinaison isothermique qu’il porte lors de ses entraînements d’Ironman. Son velcro, plus précisément. Plate de même.

Le hasard faisait que notre rencontre se tenait au lendemain d’un vaste mouvement de dénonciations des pratiques du site QC Scoop, qui avait publié des informations très personnelles, et surtout fausses, au sujet de la chanteuse Rafaëlle Roy.

« On a déjà envoyé une mise en demeure à QC Scoop, confie Jay. Et là, est-ce que maintenant, il va y avoir des articles sur le fait que je te parle de ça ? C’est ça qui est absurde, c’est sans fin. »

« Ce qui est difficile avec ces sites-là, poursuit-il, c’est qu’il n’y a aucune rigueur, aucune ligne de valeur. Et ce que je n’aime pas, c’est que parfois, je me musèle [par rapport à certains sujets, en entrevue, de peur que ce soit repris hors contexte]. »

Jay s’étonne qu’une société qui déploie tant d’efforts afin de combattre l’intimidation dans les écoles tolère une telle absence d’empathie. « Au secondaire, les rumeurs me faisaient souffrir, se souvient-il. Et à l’âge adulte, c’est encore le cas. J’essaie de ne pas nourrir la bête, mais c’est weird, parce que c’est ce que je fais en t’en parlant. »

Ne pas nourrir la bête et se concentrer sur l’essentiel, donc : le stand-up. « Mon métier, c’est une avenue qui m’aide tellement à travailler sur l’humain que je suis. Je trouve que l’humour fait ressortir le meilleur de moi-même. Je peux facilement me trouver pas bon et, grâce à l’humour, je reste léger, je reste optimiste, je reste dans l’espoir. »

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Trois citations tirées de notre entretien

À propos de son affection pour Christiane Charette

« J’apprends à colorier en dehors des lignes en regardant Christiane aller. Elle est tellement incarnée. Et ce n’est pas un show. Elle ne le fait pas pour que les gens disent qu’elle colore en dehors des lignes, c’est ce qu’elle est. Elle est fondamentalement curieuse, maladroite, charmante, drôle et intelligente, évidemment. […] Il y a quelque chose de libre chez Christiane. »

À propos de son talent comme humoriste de stand-up

« Je pense que j’ai somme toute un certain talent, mais j’ai besoin de me coucher tôt, d’être en forme, de bien manger. Je me souviens d’un gars au secondaire qui fumait des clopes et quand arrivait le temps du test du bip-bip [le test de Léger, une épreuve de course à pied], il torchait tout le monde. Comme humoriste, je ne serai jamais ce gars-là. »

À propos de son rapport à OD

« Je me rappelle avoir entendu Daniel Radcliffe dire : ‟Moi, je vais être Harry Potter toute ma vie, et je ne vais jamais être tanné qu’on m’en parle.” Mon Dieu que pour moi, c’est à une microéchelle par rapport à lui, mais j’avais retenu ça. Je ne veux pas devenir la personne qui ne veut pas qu’on me parle d’OD. J’essaie plus de me rappeler que j’ai animé un classique québ. »