Le charme atypique de Larrue-St-Jacques a opéré jeudi soir, rue De Bleury. Philippe-Audrey, de son prénom, ne ressemble à aucun autre humoriste au Québec, et c’est bien là son plus grand atout.

L’affiche de son spectacle est un travestissement d’un tableau de James Tissot – La plus jolie femme de Paris – dans lequel on le voit en queue de pie, en train de se prendre en égoportrait. Et dans sa biographie, Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques avoue qu’il aurait aimé que sa naissance soit annoncée par un décret royal.

Oui, Philippe-Audrey est une sorte d’aristocrate – on y reviendra. Il arrive d’ailleurs sur scène habillé « comme le maître d’hôtel du Titanic », comme il dit, en nous citant les propos de Blaise Pascal sur le divertissement, qui tourne autour (je paraphrase) d’un vide à combler pour échapper à notre condition lamentable.

La table est donc mise pour une soirée haute en couleur, où l’acteur, chroniqueur et humoriste citera tour à tour Victor Hugo, Gustave Flaubert, Stendhal ou encore Alfred de Musset, qu’il a lu malgré l’avertissement de son père…

Mais attention, il n’est pas question de vantardise ou de fanfaronnade, chaque fois c’est pour étayer son point de vue… C’est que, voyez-vous, Philippe-Audrey a été élevé par des parents intellos. Une maman historienne de l’art, un papa (français) spécialiste du théâtre juif. Pour tout vous dire, à 5 ans, il faisait une tournée des cathédrales européennes !

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

L’humoriste Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques

Partir de soi, de nos expériences personnelles, n’est-ce pas le conseil qu’on donne à tous les humoristes qui écrivent un spectacle ?

C’est exactement ce que fait Philippe-Audrey, et de fort belle manière, en commençant par l’intimidation qu’il a vécue enfant (il faut croire qu’il y a des bienfaits à l’intimidation !), qui ne lui donne d’ailleurs pas nécessairement envie d’en avoir… « Les enfants sont comme les radis, dira-t-il. S’il y en a, c’est correct, mais c’est toujours mieux quand il n’y en a pas… »

Bien que convaincu d’être né avec trois siècles de retard, l’humoriste veut nous prouver qu’il est bien un enfant de son siècle (d’où le titre du spectacle), ce dont il nous convainc… à moitié. Dans les faits, on comprend qu’il a fini par s’accepter comme il est : un intello d’un autre siècle, avec un défi de douance qui le rend parfois socialement maladroit, mais qui a le cœur à la bonne place.

Mentions spéciales pour ses segments sur les hommes de peu de mots ; sa rencontre avec un trafiquant de coke rencontré aux régates de Salaberry-de-Valleyfield ; sa visite des camps de concentration en Pologne ; sa connivence émotionnelle avec Paul Arcand ; ses réflexions sur le passage à la vie adulte et sa « retraite » à Paris pour se « reconnecter » avec ses origines.

Tout n’est pas parfait dans ce deuxième one man show d’environ 1 h 40 min. Quand on est seul sur scène durant une aussi longue période, il y a inévitablement des petits creux. Et certains sujets tombent un peu à plat. Ses réflexions ou ses observations sur le couple, par exemple, ratent parfois leur cible.

D’abord, qui nomme son amoureuse « ma concubine » ? Nos rencontres, « une suite de hasards miraculeux dans le chaos de l’humanité » ? Soupir… Et puis, l’histoire de sa partenaire qui ronfle, on l’a entendue mille fois. Par pitié, arrêtez de nous faire ce numéro-là…

Mais Philippe-Audrey est surprenant et dès lors qu’on se met à relever des aspects irritants, il nous emmène sur de nouvelles pistes avec une perspective unique. L’humoriste de 36 ans met un point final à cet Enfant du siècle en nous parlant de « partage de vulnérabilités » et ça, ce n’est pas du toc. Et ça boucle parfaitement la boucle de ce spectacle atypique. Qu’on vous recommande d’aller voir en tenue de ville.

Enfant du siècle

Enfant du siècle

Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques

Au Gesù, Jusqu’au 18 mars. Puis en tournée au Québec.

8/10

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