Dans Live, troisième solo de Simon Gouache qu’il rode depuis une trentaine de dates, il y a pour l’heure « des affaires qui marchent, des affaires qui ont besoin de travail et d’autres qu’on ne sait pas encore où mettre », explique l’humoriste. Nous lui avons rendu visite alors qu’il s’échinait, dans la joie, à résoudre le casse-tête que représente la création d’un nouveau spectacle.

Dans un local du Studio Bizz, avenue du Mont-Royal, le script-éditeur Pascal Mailloux, la metteuse en scène Marie-Christine Lachance et Simon Gouache tentent de bonifier un passage de son troisième spectacle dans lequel l’humoriste, élevé à Montréal, récemment installé en banlieue, s’étonne qu’il existe une telle chose que des pompiers… volontaires !

« C’est ça ton hobby, pompier ? Veux-tu que je t’en propose un autre ? », lance d’abord Pascal. « Du yoga, de l’ultime frisbee ! », ajoute Marie-Christine, mais nous n’y sommes pas encore tout à fait. « Si t’as le goût de socialiser, tu peux le faire dans un endroit moins suffocant ! », s’exclame Simon en plaçant impeccablement l’accent sur l’adjectif « suffocant ». Tout le monde éclate de rire.

S’il ne rédige aucun numéro sur papier (« Il n’est pas normal », dixit Marie-Christine), Simon Gouache est un incurable perfectionniste, qui écrit sans cesse dans sa tête et déplace inlassablement des bouts de phrases, voire des virgules, jusqu’à ce qu’il obtienne l’effet optimal. Ces rencontres, durant lesquelles le trio décortique les récentes représentations de l’artiste, se transforment souvent en pareilles séances de ping-pong comique.

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Pascal Mailloux, Marie-Christine Lachance et Simon Gouache

Mais quelques minutes plus tard, face à l’enthousiasme du journaliste, aussi excité par la blague de pompiers volontaires que si Yvon Deschamps venait de pondre Les unions, qu’ossa donne ? sous ses yeux, la metteuse en scène y va d’un avertissement : « Il y a tellement de lignes qui nous ont fait rire ici et qui n’ont pas fonctionné sur scène. » Sa sagesse se vérifie le lendemain soir, au Lion d’or, où Simon Gouache teste le gag en question, en le balançant un peu vitement. Résultat : une réaction confuse de la foule.

« C’est plate que tu ne sois pas venu le lendemain, je pense que c’était une de mes meilleures performances en quatre ans », confie-t-il en entrevue, quelques jours plus tard. Outre une ou deux lignes, manifestement nouvelles, qui se sont heurtées à un silence de bibliothèque, il avait pourtant offert lors de la représentation à laquelle La Presse a assisté une solide prestation, permettant d’espérer le meilleur pour la première médiatique de Live, prévue en février 2023.

« Quand ça fait quelques jours que je n’ai pas donné de show, je fais tout plus rapidement et je ne prends pas toujours le temps de jouer tous mes gags », explique Gouache au sujet d’une des plus grandes forces : son inoubliable numéro du CrossFit était autant une affaire de texte que de pantomime. « Le lendemain, Marie m’a dit : là, ce soir, tu prends le temps de jouer TOUS tes gags. Je l’ai écoutée et on a pogné de quoi. »

Les idées infinies

Fils de médecin, Simon Gouache a abouti à l’École nationale de l’humour, presque par dépit, après un bref et anxiogène parcours universitaire. Diplômé en 2007, il n’a rencontré réellement son public qu’une dizaine d’années plus tard. Peu présent à la télé ou à la radio, le gars de 36 ans appartient pourtant à l’élite de l’humour québécois — observer sa ténacité en salle de répétition permet en partie de comprendre pourquoi —, bien que sur papier, peu d’éléments le singularisent.

Pas de personnage de scène loufoque ou de présence remarquable sur les réseaux sociaux : à l’instar d’un Jack White, qui fait du rock comme tout le monde, mais mieux que tout le monde, Simon Gouache entremêle les observations, les réflexions et les anecdotes comme des dizaines d’autres humoristes, mais avec une précision et une souplesse d’orfèvre, lui permettant presque miraculeusement de soutirer de la matière à des sujets d’apparence usés (sa vie de jeune père, les applications de rencontres, la calvitie).

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Simon Gouache

Souvent, dans une soirée d’humour, un humoriste va dire à un autre : « Ben là, t’as un numéro sur les plantes carnivores ! Je ne pourrai pas faire mon numéro sur les plantes carnivores. » Mais ça n’a pas rapport ! L’important, c’est l’angle. Les sujets sont limités, mais les idées, c’est infini.

Simon Gouache

Il remet en question, dans un des meilleurs segments de Live, la sentence éculée selon laquelle « On ne peut plus rien dire ». « Mais c’est un numéro qui a énormément bougé durant le rodage, souligne-t-il. Quand j’ai commencé, je le faisais sur un ton très moralisateur, je disais “On ne peut plus rien dire” avec une voix de colon, et ça m’a pris quelques mois à comprendre que je m’aliénais tous ceux dans le public qui l’avaient déjà dit. 

« Et quand j’ai arrêté, ç’a tout changé, parce que je n’étais plus dans le jugement. Encore une fois, tout était dans l’angle. »

Live

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De Simon Gouache

En tournée partout au Québec

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