Pour la première fois au Québec, une femme d’origine turque brille sur la scène humoristique. De plus en plus populaire depuis sa participation à l’émission Le prochain stand-up, Sinem Kara présentera son tout premier spectacle solo au festival Zoofest. Entrevue avec une « bronzée » qui n’a pas la langue dans sa poche.

« J’ai un humour assez corrosif, mais le tout dans une ambiance de party », illustre Sinem Kara, le regard pétillant, lors d’une rencontre dans les bureaux de La Presse.

Née au Québec de parents turcs, la jeune humoriste de 32 ans jongle depuis longtemps avec les cultures turque et québécoise. Après avoir vécu une partie de son enfance à Montréal-Nord, elle déménage à Saint-Jean-sur-Richelieu vers l’âge de 10 ans, où ses parents ouvrent une pizzeria. C’est là qu’elle expérimente un choc culturel pour la première fois.

« C’est le moment fatidique où j’ai vraiment séparé la Turquie du Québec. Montréal-Nord, c’est très ethnique, très turc, puis paf ! Saint-Jean-sur-Richelieu, 100 % québécois. J’ai vécu ce contraste comme une immigration. J’ai appris la culture québécoise là-bas », raconte-t-elle.

D’ailleurs, le thème des différences culturelles fait partie intégrante de son matériel humoristique. Tel un livre ouvert, elle aborde entre autres son rapport avec ses parents stricts, les dynamiques d’une famille typiquement turque, le poids des traditions, son mariage et le racisme, le tout dans l’allégresse, sans aucun tabou.

Celle qui se définit comme une véritable princesse du Moyen-Orient avec un micro n’hésite pas à être sincère avec le public lors de ses numéros.

J’ai un style un peu “chum de fille”. J’aime être proche des gens et rire de tout. J’aime aussi conter des anecdotes et analyser les choses selon ma perspective.

Sinem Kara

De comédienne à humoriste

Caressant le rêve de devenir actrice depuis l’âge de 4 ans, Sinem Kara est sélectionnée aux auditions du très contingenté programme en interprétation théâtrale du collège Lionel-Groulx.

« Mes parents pensaient que je blaguais quand je disais que je voulais devenir comédienne. Ils avaient des inquiétudes sur le fait que ce n’est pas un métier stable, mais je les ai beaucoup préparés et ils ne m’ont pas empêchée de me lancer. »

L’artiste passionnée décide cependant de changer de cap lorsque peu de rôles intéressants s’offrent à elle à la sortie de l’école de théâtre en 2014.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Le thème des différences culturelles est récurrent dans les numéros de l’humoriste de la relève.

« J’aimais être comédienne, mais je détestais le fait d’attendre après des auditions qu’une distribution des rôles corresponde à mon profil. J’avais juste des rôles de femme voilée pour des émissions du genre Un tueur si proche ou des rôles de terroriste. On dirait qu’il faut toujours justifier pourquoi quelqu’un est “bronzé” à la télé », confie-t-elle, mi-amusée, mi-découragée.

Attirée depuis toujours par le monde de l’humour, elle s’inscrit en 2016 aux cours du soir à l’École nationale de l’humour, une expérience extraordinaire qui met au défi ses barrières personnelles, notamment lorsque vient le temps de présenter ses numéros dans des bars.

Je ne disais jamais [à mes parents] que j’allais dans un bar, je disais que j’allais dans une salle de spectacle. À 27 ans, si je rentrais à la maison après 22 h 30, j’avais un interrogatoire.

Sinem Kara

Malgré les obstacles culturels et financiers, sa détermination et son rêve de devenir une figure incontournable de l’humour n’ont jamais été ébranlés. « Il faut être un peu fou pour faire du stand-up. Oui, il y a des embûches et il faut faire des sacrifices, mais les pions dans ma vie étaient bien placés pour que je fasse ce métier », ajoute-t-elle.

Un tout premier solo

Tout juste après son mariage en 2018 avec le cinéaste d’origine turque Onur Karaman, Juste pour rire l’engage, puis elle enchaîne les soirées de micro ouvert ainsi que les galas.

Active dans le milieu de l’humour depuis cinq ans, Sinem Kara connaît un véritable essor depuis ses participations l’an dernier aux galas ComedieHa ! de Rachid Badouri et Fabien Cloutier. Elle s’est aussi illustrée au dernier gala Juste pour rire de Laurent Paquin.

De plus, le public a pu apprendre à la connaître davantage à l’émission Le prochain stand-up sur les ondes de Noovo en 2020.

PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR NOOVO

La jeune humoriste de 32 ans s’est notamment fait connaître à l’émission Le prochain stand-up en 2020.

Sinem Kara foulera les planches du Monument-National les 16 et 20 juillet pour présenter son tout premier spectacle solo, où le public aura droit à du matériel inédit. « Il se pourrait qu’il y ait des baklavas… », indique-t-elle, le sourire en coin.

Les billets pour le spectacle de Sinem Kara sont en vente sur le site web du Zoofest.

Dans les mots de Sinem Kara

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Pas de filtre

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Corrosive

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Baklava !

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Poutine portugaise !

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Tradition