On l'a vu à la télé dans Trop, M'entends-tu? et Med, série diffusée à VRAK qu'il a aussi scénarisée. Mais Mehdi Bousaidan est surtout un humoriste, qui présente pendant tout le mois d'avril à la Cinquième Salle son premier spectacle solo avant de partir en tournée. Nous avons assisté à la toute première représentation de Demain la semaine dernière, puis nous l'avons rencontré dans sa loge pour discuter des thèmes qu'il aborde dans son spectacle.

Ouverture

Dans Demain, l'humoriste de 27 ans parle amplement de ses voyages et de son intérêt pour les langues, dont il adore imiter les sonorités. Mehdi Bousaidan aime voir le monde et partager ses observations. « J'aime vivre des expériences, confirme-t-il. Je n'aime pas rester dans un café et écrire des blagues. Par exemple, je me suis réveillé un matin, j'avais la page blanche, je me suis dit : il faut que j'aille au Japon ! En revenant, j'avais un numéro. Même chose si un ami m'appelle pour proposer de faire du parachute : c'est oui. Si tu n'as rien à raconter, tu n'écris pas de bons numéros. C'est pour ça que j'aime voyager, et j'aime partager ça avec les gens. »

Privilèges

En filigrane, grâce à quelques blagues bien placées, l'humoriste aborde la notion de privilège, mais jamais pour faire la morale aux spectateurs. « Je veux en parler, mais pas trop, dit l'humoriste. On ne choisit pas où on naît, je ne veux pas dire à quelqu'un : "T'es un privilégié parce que tu as grandi à Laval." » 

L'idée est seulement de ne pas oublier ceux qui ne le sont pas. « On est très chanceux de vivre au Québec, dans un pays qui n'est pas en guerre, qui est riche. Mais moi non plus je n'aimerais pas qu'on me réprimande là-dessus. La meilleure manière d'en parler est d'être subtil. Si tu sermonnes les gens, ils ne t'écouteront pas. C'est comme le brocoli : avec du fromage fondu dessus, l'enfant va peut-être l'aimer. Je gratine la vérité. C'est ça, le spectacle, c'est la vérité gratinée ! »

Légèreté

« C'est rare que je me dis qu'un numéro est trop léger », estime Mehdi Bousaidan, qui lit et écoute les nouvelles constamment. « Le matin, c'est la première chose que je fais ; le soir, la dernière. Alors j'intègre ça naturellement. » Ce qui n'empêche pas les moments de pure déconnade, comme ce numéro hilarant sur les sonneries de cellulaire. « Ben, c'est un show d'humour ! », dit Mehdi, qui se transforme parfois en entertainer, avec d'impressionnants effets sonores et lumineux. « Beaucoup de spectacles d'humour ont le même format : tabouret, verre d'eau, micro. On est chanceux, les humoristes : on vend beaucoup de billets. Alors je voulais donner plus que juste : "Voici de bonnes blagues." »

Clichés

S'il y a quelque chose que Mehdi Bousaidan aime faire, c'est prendre les clichés... et les virer de bord. « Je les assume, ils existent, ils ne sont pas là pour rien. Ce sont des points de repère », dit l'humoriste d'origine algérienne, qui est arrivé au Québec avec sa famille à l'âge de 4 ans. Des clichés sur les Arabes, l'Afrique, la France... tout y passe. « Il faut les utiliser pour les désamorcer, pas juste les envoyer dans la salle comme ça ! Sinon, tu les nourris. » 

L'humoriste estime tout de même que les clichés ont la vie dure. « Des fois, on me demande si mes jokes marchent en région. Euh... oui ! Ce sont des gens comme vous et moi, qui ont les mêmes référents, qui écoutent les mêmes émissions... », dit Mehdi Bousaidan, qui a regardé chaque minute du procès du tueur de la mosquée de Québec. Sa conclusion : moins on connaît l'autre, plus on en a peur. Et plus on connaît l'autre, plus on déconstruit les clichés.

Tueries

Le numéro le plus délicat de la soirée est certainement celui qui porte sur les tueries dans les écoles. On sent que l'humoriste a consacré beaucoup de soin à ce sujet délicat. « Je voulais le faire parce qu'il y en a tellement que tout le monde est rendu blasé face à ça, même moi. Je me suis dit que l'humour pourrait amener les gens à réfléchir au problème des armes à feu. Je prends un détour pour faire ça de manière soft, mais les stats sont là et elles n'ont pas de bon sens. » 

C'est la preuve qu'on peut rire de tout ? « Oui, si on le fait bien. Ce numéro m'a demandé beaucoup de recherche et beaucoup de tests. J'aime faire rire avec des sujets qui ne sont pas nécessairement drôles. Il est très difficile à atteindre, ce rire, mais il est vrai et honnête. »

Demain

Mehdi Bousaidan aime la compagnie des jeunes. Il donne régulièrement des spectacles à des groupes scolaires, mais aussi des ateliers d'écriture - ateliers qui l'ont mené d'Haïti à la Côte d'Ivoire en passant par la France et Pessamit, sur la Côte-Nord. « J'adore aller dans les écoles. Les jeunes ados sont des éponges et ils sont en pleine transition dans leur vie. J'ai la chance d'avoir accès à eux grâce à Med, ils me font confiance et m'écoutent. » Si son spectacle s'appelle Demain, c'est justement parce qu'il a confiance en eux. 

Mais tout va-t-il si mal aujourd'hui ? « Non. Mais le but n'est pas de dire que ça va mal. C'est de dire qu'il y a des affaires qui vont mal et qu'il ne faut pas les oublier. Ce qui me fait peur, avec tous ces écrans, c'est qu'on ne regarde pas les vraies choses. Ça va nous péter en pleine face et on va faire : "Crime, j'étais où, moi ? J'étais en train de regarder Netflix ou des filles en bikini sur Instagram, alors que des animaux disparaissaient." »

Consultez les dates de spectacles de Mehdi Bousaidan.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Mehdi Bousaidan utilise d'impressionnants effets sonores et lumineux dans son spectacle Demain.