La construction du quatrième musée national est estimée à 92 millions et ce dernier doit ouvrir dans moins de deux ans.

(Québec) Le premier ministre du Québec a procédé jeudi à une « annonce historique » aux accents nationalistes. Son gouvernement veut ouvrir d’ici deux ans le premier Musée national de l’histoire du Québec, là même où devait trôner la maison mère des défunts Espaces bleus.

« Mon objectif, celui que je me donne, c’est que les Québécois sortent d’ici en se disant “je suis fier d’être québécois” », a déclaré François Legault lors de l’annonce, qui avait lieu au pavillon Camille-Roy du Séminaire de Québec, dans la capitale.

Plusieurs élus de la CAQ étaient présents à l’annonce, mais aucun des autres formations politiques. Le premier ministre a toutefois rappelé le souvenir d’un ancien premier ministre du Parti québécois. « Le dernier musée national ouvert au Québec l’a été il y a 40 ans par René Lévesque. C’est le Musée de la civilisation », a-t-il rappelé.

Ce nouveau musée d’histoire qui doit ouvrir au printemps 2026 sera donc le quatrième musée national, après le Musée national des beaux-arts, le Musée d’art contemporain de Montréal et le Musée de la civilisation.

Le gouvernement Legault estime que ce nouvel établissement viendra combler un vide en présentant l’histoire des Québécois.

Je pense qu’il est important de commencer avec Champlain, au tout début, de montrer comment ce n’était pas facile de survivre en Amérique, une petite minorité qui parle français.

François Legault, premier ministre du Québec

Le grand chef de la nation huronne-wendat, qui est souvent présent aux évènements politiques à Québec, n’avait pas été invité à l’annonce. Mais le premier ministre a assuré que le nouveau musée va souligner « la présence des nations autochtones qui étaient là avant nous autres et qui nous ont aidés à travers les années ».

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Le nouveau musée sera établi à Québec, au pavillon Camille-Roy du Séminaire de Québec, qui fait l’objet en ce moment de rénovations.

De Céline Dion à Mike Bossy

Le Musée de la civilisation aura le mandat d’établir le contenu du musée à ses débuts. L’établissement sera épaulé par un comité scientifique notamment mené par l’historien Éric Bédard, professeur au département d’histoire de la TELUQ.

« Le but est de proposer une histoire d’un peuple de langue et de culture françaises, une histoire qui soit rassembleuse, dans laquelle on va pouvoir faire le tour des débuts à aujourd’hui », a expliqué M. Bédard.

Il assure que le musée ne sera pas « nationaliste », mais bien national.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

L’historien Éric Bédard

Je ne pense pas que l’histoire qu’on va vous raconter sera une histoire militante. C’est l’histoire d’une nation, avec beaucoup de choses dont on doit être fiers, mais aussi des zones d’ombre qu’on ne va pas mettre sous le tapis.

Éric Bédard, professeur au département d’histoire de la TELUQ

Quels sont les débuts, justement ? Les explorateurs, comme le mentionne le premier ministre ?

« Quand commence l’histoire du Québec ? C’est un vrai sujet. Avec le comité scientifique, on va y réfléchir, dit-il. Mais c’est sûr que le peuple québécois partage le territoire avec des nations et il faudra raconter leur histoire et parler de ce contact, c’est très important. »

« On dit que l’histoire commence à l’écriture, et avant l’histoire, c’est la préhistoire. Peut-être que les autochtones sont un peu la préhistoire du Québec », ajoute M. Bédard.

L’historien rappelle que le Musée de la civilisation a des expositions temporaires sur l’histoire du Québec, mais n’a pas d’exposition permanente sur le sujet. « L’été dernier j’étais en Corse, il y a deux musées d’histoire sur la Corse, ils ont 400 000 habitants, je pense qu’on était dus ! », lâche M. Bédard.

Le premier ministre a évoqué la présentation de personnages ou de moments clés, tant du monde du sport (Maurice Richard ou Mike Bossy) que de la littérature (Michel Tremblay, Marie Laberge et Dany Laferrière), ou encore de la chanson (Les Cowboys Fringants, Gilles Vigneault et Ginette Reno)…

Y aura-t-il une place pour les anglophones dans cette historiographie ? a demandé une journaliste de CBC. « Je vois une place pour des gens comme Leonard Cohen, ils font partie de notre histoire, alors je vois une place pour eux », a répondu François Legault.

Un coût de 92 millions

Les œuvres du nouveau musée proviendront notamment de la collection du Musée de la civilisation. « On a une collection qui comporte 680 000 objets, artefacts, donc il n’y aura aucun enjeu. Notre enjeu sera plutôt de choisir, tellement il y a une pléthore de possibilités », a indiqué le directeur général du Musée de la civilisation, Stéphan La Roche.

M. La Roche souligne que plusieurs États ont un musée d’histoire nationale, notamment les États-Unis, la Catalogne, l’Écosse, la Suède, l’Allemagne, le Portugal… Il y avait selon lui de la place pour cette nouvelle institution. « Le Musée de la civilisation est un musée de société, ce n’est pas un musée d’histoire », dit-il.

Ce nouvel établissement naîtra en quelque sorte sur les cendres des Espaces bleus. Annoncés en grande pompe en 2021, ceux-ci devaient être aménagés dans les 17 régions du Québec pour honorer « l’histoire des héros et des bâtisseurs ». Ce réseau de musées devait notamment convaincre les Québécois d’oublier « Cancún ou Puerto Plata » pour visiter la province.

Mais l’explosion des coûts a eu raison du projet. La facture était d’abord estimée à 259 millions de dollars, puis flirtait avec le milliard début mars. C’est à ce moment que le gouvernement caquiste a annoncé la fin du projet, dix jours avant la présentation d’un budget provincial assorti d’un déficit record de 11 milliards.

Seuls 4 des 17 projets annoncés pourraient voir le jour. Celui de Québec, dans le pavillon Camille-Roy du Séminaire, deviendra donc un musée de l’histoire. Le bâtiment de 1854 a dû être restauré et aménagé aux standards muséaux. Le coût est estimé à 92 millions.

Des bâtiments patrimoniaux acquis par l’État à Amos et à Percé ont été rénovés à grands frais. Québec a aussi fait une offre d’achat sur une aile de l’ancien couvent des Petites Franciscaines, à Baie-Saint-Paul, mais ignore toujours si les travaux iront de l’avant.